Contrairement à ce qu'a soutenu à l'Assemblée nationale le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux, une procédure précise est établie pour permettre à la police de communiquer avec le gouvernement quand un élu fait l'objet d'une enquête.

Dans les documents préparés par le ministère de la Sécurité publique en prévision de l'étude des crédits du ministre Coiteux toute la journée aujourd'hui, on répond explicitement à une question de l'opposition péquiste quant à l'existence d'une procédure claire.

On y indique qu'une « enquête concernant un ministre ou un député peut être initiée suite à la réception d'une plainte, d'une information, d'un signalement ou encore en fonction du renseignement recueilli ». Pour la Sûreté du Québec (SQ), « qu'il s'agisse d'un ministre, d'un député ou de tout autre citoyen, l'information est traitée de la même façon et l'enquête est réalisée avec la même rigueur ».

Dans une enquête sur un élu, député ou ministre, « la Sûreté peut exceptionnellement aviser le gouvernement ». C'est le cas quand « la nature du geste visé par l'enquête peut compromettre le travail du ministre ou du député ». Autre cas de figure : « s'il y avait un risque pour la sécurité de l'État ». Dans ces cas, les détails de l'enquête ne seraient pas divulgués, et la communication serait faite « en temps opportun afin de ne pas compromettre l'enquête en cours ».

L'AFFAIRE SKLAVOUNOS

La question des échanges entre la police et le monde politique est apparue en octobre dernier quand la SQ a entamé une enquête sur les allégations d'agression sexuelle à l'endroit de Gerry Sklavounos, alors député libéral de Laurier-Dorion. En réponse aux questions de Jean-François Lisée, Martin Coiteux avait martelé qu'aucune procédure n'existait pour que la police puisse prévenir les autorités politiques par rapport à une enquête en cours. « Je pense que tout le monde est conscient que si cela existait, cela n'aurait pas de bon sens », avait soutenu M. Coiteux.

Selon Jean-François Lisée, au contraire, « il y a une mécanique automatique lorsqu'une plainte est déposée dans un corps de police contre un membre de l'Assemblée. Automatiquement, le bureau du premier ministre ou du chef de parti concerné est avisé ».

Il y a quelques jours, le premier ministre Couillard a établi une règle différente. La police prévient le gouvernement quand le niveau de sécurité d'un ministre est touché, sans divulguer la raison. « C'est ainsi qu'on a eu une lumière jaune dans le cas de Pierre Paradis », explique-t-on à son cabinet. M. Paradis avait fait l'objet d'une enquête formelle, après le « signalement » fait par la présumée victime à la police, mais aussi au cabinet du premier ministre. Avec cette interprétation, toutefois, le gouvernement ne serait jamais avisé d'une enquête sur un simple député qui, ne faisant pas partie du Conseil des ministres, n'influe pas sur la gestion du gouvernement.

LES ALLÉGATIONS DE FRANCOEUR

Les communications entre un gouvernement et la police sont au centre du débat lancé la semaine dernière par le président du syndicat des policiers montréalais, Yves Francoeur. Ce dernier a soutenu que l'enquête sur deux élus libéraux, prête à déboucher sur des accusations, avait été bloquée au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). M. Francoeur parlait d'écoute électronique et de filature pour ces deux élus ; or, on n'en a pas trouvé de trace à la SQ. Au DPCP, la directrice Annick Murphy a souligné dans un premier temps que son organisme n'avait jamais eu un tel dossier en main. Cette semaine, elle a demandé le déclenchement d'une enquête criminelle pour tirer au clair les allégations de M. Francoeur.

C'est avec cette série de controverses que témoigneront toute la journée aujourd'hui le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, et le directeur général de la SQ, Martin Prud'homme, dans le cadre de l'étude des crédits de la Sécurité publique. À l'UPAC, on a fait savoir que M. Lafrenière ne ferait pas de point de presse avant ou après son témoignage.

DES SPECTATEURS INUSITÉS

La commission parlementaire aura des spectateurs inusités. Lino Zambito, Luigi Coretti et Ken Peireira, trois acteurs déterminants dans les années de controverse autour de l'éthique du gouvernement Charest, comptent se rendre au Parlement pour assister à la commission.

Dans son ouvrage Le témoin, M. Zambito affirme que le patron de l'UPAC, M. Lafrenière, s'entretient régulièrement avec le chef de cabinet du premier ministre Couillard, Jean-Louis Dufresne.

« Je ne vais pas parler beaucoup, je suis là pour écouter », a prévenu hier M. Coretti, joint par La Presse. L'ancien patron de la firme de sécurité BCIA avait soutenu « corroborer » le mois dernier les dires de Lino Zambito, qui avait allégué que 400 000 $ provenant de firmes de professionnels avaient été transportés dans la limousine du premier ministre Charest. Les déclarations de M. Zambito, à la radio, n'ont pas eu de suites.