Les trois candidats au poste de porte-parole masculin de Québec solidaire, Sylvain Lafrenière, Jean-François Lessard et Gabriel Nadeau-Dubois, se retrouveront dimanche après-midi, à Québec, pour un autre débat.

La seule candidate au poste de porte-parole féminine, Manon Massé, participera également aux échanges.

Il y a une semaine, à Montréal, la question de la convergence des forces progressistes et souverainistes avait notamment été soulevée.

Gabriel Nadeau-Dubois avait exposé une position plutôt nuancée dans ce dossier. Il estime qu'un rapprochement avec Option nationale est possible, mais il demeure prudent sur une alliance avec le Parti québécois.

Alors que Sylvain Lafrenière s'oppose à toute alliance avec le PQ, Jean-François Lessard croit au contraire qu'un rapprochement est essentiel.

Les deux nouveaux porte-parole remplaceront Andrés Fontecilla et Françoise David.

Le résultat de l'élection sera annoncé le 21 mai, lors du congrès du parti.

Une course entre trois candidats masculins

Les membres de Québec solidaire choisiront le mois prochain leur porte-parole masculin dans un contexte particulier, alors que l'un d'entre eux, déjà très connu, tente de se faire élire en même temps comme député dans la circonscription montréalaise de Gouin.

Les candidats Sylvain Lafrenière, Jean-François Lessard et Gabriel Nadeau-Dubois souhaitent succéder à Andrés Fontecilla, président et co-porte-parole du parti qui a décidé de céder sa place.

Si les deux premiers sont très peu connus du grand public pour l'instant, Gabriel Nadeau-Dubois est devenu la coqueluche de la crise étudiante de 2012 et son adhésion à Québec solidaire semble avoir fouetté les troupes du parti en vue des prochaines élections générales.

M. Nadeau-Dubois est très visible dans les médias, surtout parce qu'il est en campagne électorale. Dernièrement, il a fait une annonce en compagnie de la co-porte-parole par intérim du parti, Manon Massé, qui, même si elle est seule sur les rangs pour le poste de porte-parole féminine, doit obtenir un soutien de la majorité des membres.

Monique Moisan, qui s'occupe du processus électoral au sein du parti, admet qu'il est difficile de tracer la ligne entre la campagne de M. Nadeau-Dubois dans Gouin, et la course pour briguer le poste de porte-parole.

Elle ajoute qu'il serait difficile d'offrir la même visibilité médiatique aux deux autres candidats en raison de la popularité inhérente de M. Nadeau-Dubois et de sa candidature dans Gouin.

« On essaie de distinguer autant que possible. Mais des fois, il y a des zones grises, et c'est inévitable », a-t-elle déclaré en entrevue téléphonique.

Mme Moisan souligne que le parti a déployé plusieurs moyens pour traiter chaque candidat sur un pied d'égalité, notamment en mettant à leur disposition un budget de 5000 $, en leur offrant les services de l'équipe de communications du parti et en leur offrant une tribune sur le site internet.

Les deux autres candidats sont pleinement conscients de ce contexte qui amène le parti à parler davantage de son candidat vedette dans Gouin.

Mais l'un d'entre eux appelle le parti à relayer davantage les informations des campagnes de chacun pour que tout le monde soit sur le même pied d'égalité.

« Je suis persuadé qu'en ce moment, il y a encore des membres de Québec solidaire qui ne savent même pas que j'existe », a lancé Jean-François Lessard en entrevue avec La Presse canadienne.

M. Lessard reconnaît que le parti met de l'avant M. Nadeau-Dubois surtout parce qu'il tente de se faire élire, mais selon lui, il aura un examen de conscience à faire à l'issue de la course.

« Je ne pense pas que ce soit de la mauvaise volonté de la part de la direction du parti, mais il y a de sérieuses questions à se poser comme parti qui se veut démocratique, qui se veut équitable, qui aimerait avoir un traitement médiatique plus équitable par rapport à ce que les autres partis reçoivent », a-t-il expliqué.

« Je pense qu'on serait en droit de demander ça également à l'interne quand on fait nos propres courses et je ne manquerai pas de le signaler après. »

Sylvain Lafrenière, qui avait présenté sa candidature avant Gabriel Nadeau-Dubois, croit que le parti fait des efforts pour laisser une tribune égale à tous les candidats, notamment en organisant des débats.

« [Gabriel Nadeau-Dubois] est en campagne électorale en même temps, mais on savait c'était quoi les règles du jeu en partant. Je pense qu'il y a un souci de faire attention, et de ne pas mêler les affaires », a-t-il soutenu.

« Le national fait des efforts, il ne peut pas compenser tout. J'appelle l'ensemble du parti simplement à prendre le temps de s'informer, on a quand même quelques outils de visibilité interne », a-t-il ajouté.

Le principal intéressé reconnaît qu'il profite d'une certaine notoriété, mais il dit avoir confiance en « l'intelligence » des membres au final. « Je pense que ce qui va faire la différence, en mai prochain, c'est la vision que je propose du parti. Québec solidaire a toujours refusé la voie de la facilité et je n'ai aucun doute que les militants vont continuer dans cette optique-là », a expliqué M. Nadeau-Dubois en entrevue.

Et les trois candidats offrent une vision plutôt différente d'où ils voudraient mener le parti.

Convergence

D'abord, le débat des alliances avec le Parti québécois (PQ) qui semble diviser les membres de Québec solidaire.

D'un côté, il y a Jean-François Lessard, qui est fortement en accord à l'idée « stratégique » de conclure des ententes ponctuelles avec le PQ. « Je pense qu'on a un excellent momentum pour Québec solidaire et pour l'ensemble de la société civile qui est pas mal tannée des politiques du gouvernement libéral de Philippe Couillard », a-t-il souligné.

« C'est sûr que ce n'est pas confortable. Il n'y a personne qui est hyperemballé à l'idée de faire la convergence avec le Parti québécois, moi le premier. Mais il faut le voir comme une stratégie », a-t-il nuancé.

De l'autre, il y a Sylvain Lafrenière, qui se dit ouvertement réfractaire. « Ce n'est pas juste un élément de stratégie quand on dit que ça pourrait couper les ponts qu'on avait développés avec les personnes «racisées» et avec les communautés anglophones », a-t-il affirmé.

M. Lafrenière admet qu'il s'agit d'un sujet délicat chez les membres. « Moi, j'ai entendu l'expression : c'est une ligne rouge à ne pas franchir », a-t-il confié.

Au milieu, on retrouve Gabriel Nadeau-Dubois, qui se dit ouvert aux discussions avec le Parti québécois. « Ma position personnelle, c'est qu'on a au moins un devoir d'essayer. Et parce que c'est ce que j'entends sur le terrain tous les jours. Tous les jours. Les gens me le disent : parlez-vous. Je pense qu'on a au moins ce devoir-là », a-t-il indiqué.

Deux députés porte-parole ?

Il y a aussi l'enjeu d'élire un porte-parole au sein de l'Assemblée nationale ou à l'extérieur. Les statuts du parti exigeaient auparavant que le parti nomme un porte-parole député et un autre extraparlementaire, mais ce n'est plus le cas.

Selon M. Nadeau-Dubois, cette exigence n'a pas nécessairement servi à QS par le passé. « À Québec solidaire on l'a essayé. D'abord avec Françoise David et après avec Andrés Fontecilla et malgré les qualités personnelles de ces deux personnes-là, le parti n'a jamais été capable de les mettre de l'avant dans les médias. Je prends acte que ces tentatives-là n'ont pas été couronnées de succès », a-t-il dit.

Ses collègues semblent voir du mérite dans l'ancienne approche. « En cours de route, je me suis rendu compte que beaucoup de gens dans le parti étaient encore attachés à l'idée d'avoir un porte-parole extraparlementaire », a témoigné M. Lessard.

« Je vais être disponible toute l'année contrairement à Gabriel qui va devoir être l'Assemblée nationale pendant un bout et d'être dans sa circonscription », a ajouté M. Lafrenière.

- Vicky Fragasso-Marquis, LA PRESSE CANADIENNE