Sans trop de dissensions, le caucus des députés libéraux s'est rallié à l'idée de réadmettre Gerry Sklavounos, mais seulement après qu'il eut fait preuve de « contrition » et qu'il s'engage à ne plus avoir de comportement douteux avec les femmes, surtout les jeunes employées de l'Assemblée nationale.

Selon les informations glanées par La Presse, à l'issue de la réunion des députés destinée à préparer la rentrée parlementaire de mardi, quelques élus ont d'entrée de jeu rappelé que leur collègue de Laurier-Dorion avait été totalement blanchi par le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Dans un communiqué publié jeudi, le DPCP, qui a à décider si des accusations doivent être portées, avait conclu avec une rare limpidité qu'aucun geste criminel n'avait été commis par M. Sklavounos à l'endroit d'Alice Paquet.

Mais assez rapidement, d'autres ont relevé qu'au point de vue des perceptions, le député ne pouvait être réintégré comme si de rien n'était. En octobre dernier, dans la foulée de la dénonciation de Mme Paquet, qui s'estime victime d'une tentative de viol de Gerry Sklavounos, plusieurs reportages avaient relevé que le député avait fréquemment manqué de réserve, avait harcelé de jeunes employées, envoyé des courriels sexistes, fait des propositions avec insistance.

Les députés sont aussi restés sur leurs gardes. On ne sait pas si d'autres personnes sont susceptibles de se plaindre d'avoir été harcelées par le député de Laurier-Dorion dans le passé.

DES CONDITIONS ET UNE RENCONTRE AVEC LE PM

M. Sklavounos devra faire amende honorable et s'engager très clairement, sans équivoque, à respecter les femmes dans son milieu de travail, s'il espère réintégrer le caucus libéral. Sans proposition au début de la réunion, Philippe Couillard a vite adhéré à ce plan de match.

« Il faut respecter nos institutions. La décision du DPCP n'est pas ambiguë. Il dit : "Aucun acte criminel n'a été commis" », a souligné Philippe Couillard à l'issue du caucus pré-sessionnel des députés libéraux. « Sur le plan strictement légal, cette question spécifique a été jugée », observe-t-il.

« Ceci dit, on a tous vu dans les médias des allégations quant à des problèmes de comportement potentiels de M. Sklavounos par rapport au personnel de l'Assemblée. » Au-delà de la question légale, il faut tenir compte « de la sensibilité des femmes à l'Assemblée nationale qui est un milieu repère [...]. Il faut que les femmes se sentent en sécurité, respectées dans leur milieu de travail », a expliqué le premier ministre.

La réintégration du député de Laurier-Dorion au caucus libéral ne peut être « ni immédiate ni automatique », a mentionné M. Couillard.

Ce retour éventuel devra nécessairement être accompagné « d'une déclaration très forte sur les enjeux que cette question soulève. Sur les femmes en milieu de travail, comment entend-il se gouverner lui-même dans l'avenir ? », de souligner M. Couillard.

Les reportages sur ses inconduites, «  c'était dans les médias. Je veux qu'il clarifie ça pour tout le monde, pour les femmes en particulier, qu'il montre qu'il comprend les relations en milieu de travail, qu'il comprend comment s'applique l'égalité des sexes à la dignité en milieu de travail », a poursuivi Philippe Couillard. 

Il compte s'entretenir avec le député « dans un futur très proche », comprenant l'épreuve très dure vécue par l'ancien leader parlementaire adjoint du gouvernement.

UNE SEMAINE « ÉMOUVANTE »

Au passage, le président du Parti libéral du Québec (PLQ), Gilbert Grimard avait été invité au caucus, tout comme le directeur général Sylvain Langis. M. Grimard s'est excusé auprès du député Sam Hamad pour le sondage effectué pour le compte du parti, auprès des membres, et qui vérifiait leur perception quant à l'intégrité d'un membre du même parti. Le même sondage testait aussi la perception à l'endroit des maires Denis Coderre et Régis Labeaume. Toute l'opération avait causé un malaise au sein du PLQ.

Au terme d'une semaine « émouvante », Philippe Couillard a indiqué qu'il n'a pas l'intention de « rebrasser » tout de suite les questions identitaires. Le conflit des juristes de l'État ne sera pas un obstacle durable à la préparation des projets de loi. « Il y a une perspective de solution, les éléments sont réunis pour avoir une entente négociée », a-t-il dit.

Sur le projet de loi 62, qui interdit le port du voile pour recevoir ou donner des services publics, « il y a une ambiance qui fait en sorte que ce n'est pas le moment de brasser ces questions-là, alors qu'il y a une communauté qui est plus que blessée », a-t-il expliqué.

Philippe Couillard espère que les partis de l'opposition vont collaborer. « On est d'accord sur un grand nombre de sujets. Alors, pourquoi ne pas adopter ensemble ce sur quoi on s'entend tous. Ils pourront dire : "On aurait aimé aller plus loin sur un aspect", ils le feront valoir en campagne électorale.

« La question est : Devrait-on interdire plus ? Je ne crois pas qu'il faille interdire plus, je ne crois pas que ce soit le moment actuellement. »