Embauche de juges et de procureurs, ouverture de salles d'audience : le gouvernement a présenté hier un projet de loi qui prévoit 175 millions sur quatre ans pour mettre fin à l'engorgement dans les tribunaux. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a ainsi répondu aux demandes pressantes formulées par le milieu judiciaire et l'opposition depuis près d'un an.

EMBAUCHES MASSIVES

Québec embauchera l'équivalent de 573 nouveaux employés à temps plein d'ici septembre 2018 afin d'augmenter la capacité du système judiciaire. Du nombre, on compte 16 juges à la Cour du Québec, 2 juges à la Cour d'appel, 69 procureurs au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), 252 employés de soutien et 121 agents correctionnels et constables spéciaux. Québec demande aussi à Ottawa de pourvoir les trois postes vacants de juges à la Cour supérieure et d'en créer cinq additionnels.

ENGORGEMENT

L'engorgement des tribunaux n'est pas un nouveau problème. Dès janvier, la situation a été décrite comme une « crise » par le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier. L'arrêt Jordan, rendu en juillet, a aggravé la situation. En fixant des balises sur la durée « raisonnable » d'un procès, la Cour suprême a entraîné une cascade de procès avortés à cause des délais, notamment celui de l'homme d'affaires Luigi Coretti. Mme Vallée s'est défendue de s'être traîné les pieds. Elle maintient qu'il fallait changer la « culture » des tribunaux avant d'embaucher de nouvelles ressources. Faute de quoi, « on n'aurait peut-être pas ajouté les bonnes ressources aux bons endroits », a-t-elle résumé.

PROCÈS À RISQUE

Québec avait recensé 222 requêtes en arrêt du processus judiciaire la semaine dernière, un chiffre qui est passé à 288 cette semaine. Mme Vallée a admis qu'il ne serait « pas surprenant » que ce chiffre continue de croître d'ici à ce que les premières embauches soient effectuées, à la fin du mois de mars. Elle refuse de dire combien de causes sont à risque, affirmant qu'une telle divulgation serait « irresponsable ». « Ce qui serait responsable, c'est de donner l'heure juste à la population », a rétorqué la députée du Parti québécois Véronique Hivon. En Ontario, 6000 causes sont susceptibles de dérailler en raison des délais, selon l'association des procureurs de la Couronne de cette province.

CLAUSE DÉROGATOIRE

L'opposition et certains juristes pressent le gouvernement Couillard de recourir à la clause dérogatoire pour soustraire le Québec à l'application de l'arrêt Jordan. Mme Vallée s'est toujours montrée réfractaire à cette idée, mais elle ne l'a pas totalement écartée, hier. « C'est une des options qui est envisagée, a-t-elle dit. Mais il y a aussi d'autres options, par exemple une demande de sursis à la Cour suprême, un peu comme le fédéral l'avait fait l'an dernier pour la question de l'aide médicale à mourir. » Elle affirme que les provinces se consultent quant aux suites à donner au jugement.