«Le lien de confiance est rompu» avec le ministre de l'Agriculture, soutient le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau. Il demande à Philippe Couillard de dégommer Pierre Paradis, qui a connu un passage houleux au congrès du syndicat des agriculteurs jeudi.

Selon M. Groleau, le premier ministre devrait désigner un nouveau titulaire à l'Agriculture lors du remaniement de son cabinet attendu prochainement en raison du retour aux affaires de Pierre Moreau.

«Avec son arrogance, sa façon de détourner les faits, de les embellir ou de les ramener à sa contribution, on ne peut pas voir un sentiment de confiance» envers Pierre Paradis, a affirmé Marcel Groleau lors d'une mêlée de presse.

«Je vous dis la situation : le lien de confiance est rompu. Je vous dis que le premier ministre doit prendre acte de ça. Si dans les prochains mois le gouvernement veut rétablir une communication avec les régions et le monde agricole, M. Paradis actuellement n'est pas l'homme de la situation. Si le premier ministre veut recréer un lien de confiance (...), oui, ça prend un nouveau ministre.»

Quelques heures plus tôt à l'Assemblée nationale, le Parti québécois demandait la démission de Pierre Paradis. «Ça fait deux ans qu'il piétine, qu'il n'avance pas. Le ministre, finalement, est nuisible à l'agriculture. Les producteurs sont en colère. Il n'a plus la crédibilité pour occuper ce poste», a soutenu le député André Villeneuve en conférence de presse.

Pierre Paradis a balayé les critiques. «Il y a 28 000 entreprises agricoles au Québec. Je me promène sur les fermes, et ils ne sont pas tous représentants syndicaux sur les fermes. Ce sont des entreprises agricoles. Et je suis bien reçu partout», a-t-il affirmé à la poignée de journalistes présents au terme de son passage au congrès de l'UPA.

Le ministre a passé un mauvais quart d'heure sous les yeux de plusieurs collègues du caucus appelés en renfort, dont les ministres Dominique Anglade et Luc Blanchette. Accueilli par de timides applaudissements, M. Paradis a été interrompu à quelques reprises au cours de son discours par les protestations de producteurs. Ce fut le cas en particulier lors de son intervention sur la réforme du programme de crédits de taxes foncières pour les agriculteurs.

Marcel Groleau venait de plaider au micro que plus de 80 % des producteurs subiront une hausse de leur compte de taxes se situant entre 30 % et 40 % en moyenne. Or Pierre Paradis a répliqué que les «bénéficiaires qui verront leur compte de taxes hausser de plus de 30 % représentent 1 % de la clientèle, 300 producteurs, pour une perte moyenne de 113 piastres». «Bouh !», «hey, hey, hey !» ont crié des producteurs.

Il a fait valoir que les chiffres proviennent du ministre des Finances, Carlos Leitao, «le deuxième meilleur économiste au monde». Une remarque qu'il a martelée et qui a irrité l'auditoire. On a assisté à une guerre de chiffres.

Plus tard, le vice-président de l'UPA, Pierre Lemieux, a reproché au ministre de considérer les producteurs comme «des gens qui ne savent pas compter». Il l'a blâmé pour avoir fait «le clown» à l'Assemblée nationale lorsque l'opposition l'a interpellé sur l'enjeu des taxes foncières.

Pierre Paradis a précisé que le montant des remboursements versés aux producteurs passera de 145,5 à 168 millions d'ici 2019-2020. Une hausse budgétaire de 5 % par année dont «rêvent» les ministres de la Santé et de l'Éducation, a-t-il insisté.

Sur la tribune, aux côtés de M. Paradis, Marcel Groleau a qualifié d'«un peu décevant» le plaidoyer du ministre. «On est entraînés dans une forme de rhétorique où il n'y a pas vraiment de discussion.» Selon lui, il y a «urgence» que le gouvernement réinvestisse dans le secteur agricole québécois, car ses compétiteurs sont en pleine croissance selon lui.

Un représentant du Bas-Saint-Laurent est allé au micro pour dire au ministre qu'il ne l'a jamais vu dans sa région malgré des invitations. «La seule fois que je vous vois, c'est quand je vais allumer ma fournaise...» a-t-il laissé tomber dans une remarque pleine de sous-entendus.

Pierre Paradis a encaissé les critiques pendant plusieurs minutes au cours de la période de questions. Lors de la mêlée de presse, le ministre a soutenu qu'il n'avait pas trouvé l'exercice difficile. «J'ai été ministre de l'Environnement pendant cinq ans, ministre du Travail pendant trois ans et demi : ça fait partie de la dynamique des réunions syndicales», a-t-il affirmé. Il dit avoir réglé d'autres conflits depuis le début du mandat, dans les dossiers de la relève agricole et du sirop d'érable.