Le gouvernement Charest est intervenu pour empêcher la Société immobilière du Québec (SIQ) de reprendre les immeubles qu'elle venait de vendre à George Gantcheff en 2008 alors que ce dernier était en défaut de paiement, accusent le Parti québécois et la Coalition avenir Québec. L'État s'est privé de gains potentiels de plusieurs dizaines de millions de dollars selon eux.

C'est la vente de ces immeubles qui aurait par la suite permis à d'ex-collecteurs de fonds du Parti libéral d'encaisser des commissions de deux millions de dollars. Ces commissions seraient liées à la prolongation de baux par le gouvernement.

Mardi, les chefs péquiste Jean-François Lisée et caquiste François Legault ont tour à tour tenu un point de presse pour dévoiler le même rapport confidentiel de la firme Accuracy. Ce rapport demandé par la SIQ date du 1er octobre 2013 et est signé par Guylaine Leclerc, devenue depuis vérificatrice générale du Québec. Il traite des transactions immobilières survenues en 2008 concernant trois édifices de la SIQ au coeur d'une controverse depuis le début du mois : le 500 René Lévesque Ouest à Montréal, l'Édifice J-A Tardif et Place Québec dans la capitale.

Pour les deux premiers édifices, le prix de vente a été inférieur à la valeur marchande, confirme le rapport. L'acquéreur, George Gantcheff, n'arrivait toutefois pas à payer la totalité des 220 millions de dollars dans les délais prescrits, peut-on lire.

« Nous comprenons de l'opinion légale obtenue par la SIQ que cette dernière aurait pu reprendre les immeubles, car les acquéreurs étaient en défaut. D'un point de vue purement financier, récupérer ces immeubles aurait été une bonne décision », affirme le rapport. La SIQ aurait pu conserver les 53 millions déjà payés et revendre les immeubles au prix du marché, plus élevé que le prix de vente convenu. L'opération aurait rapporté un total de 100 millions, selon le PQ.

Or l'opposition accuse le gouvernement d'avoir fait fi de l'avis juridique en faveur de la reprise des immeubles. Selon le PQ et la CAQ, le rapport démontre qu'il y a eu rencontre au début de 2009 entre M. Gantcheff, la ministre responsable de l'époque, Monique-Jérôme-Forget, des représentants du Conseil exécutif - le ministère du premier ministre, Jean Charest à l'époque - pour discuter des actions à prendre. Or le rapport précise que cette rencontre est prévue mais il ne confirme pas qu'elle a bel et bien eu lieu. Et la ministre responsable au début de 2009, qui n'est pas identifiée dans le rapport, serait plutôt Dominique Vien (Services gouvernementaux).  

Il n'en demeure pas moins qu'une reprise des immeubles est finalement écartée. Grâce à des délais supplémentaires, l'acquéreur parvient à trouver les millions nécessaires pour effacer l'ardoise progressivement, jusqu'en novembre 2009.

Pour Jean-François Lisée, le gouvernement de l'époque a voulu « couvrir » George Gantcheff et empêcher la reprise des immeubles. « L'annulation de cette transaction, qui a été possible à plusieurs moments, aurait conduit à l'absence d'une commission de sept millions à un solliciteur libéral (William Bartlett, conseiller de l'acquéreur). Y a-t-il lien de cause à effet entre les deux ? » a-t-il demandé.

Pour François Legault, si la SIQ n'a pas repris les immeubles, « c'est pour protéger le Parti libéral, protéger les collecteurs de fonds libéraux. C'est la seule raison. Parce qu'en affaires, il n'y avait aucune raison qu'on ne saisisse pas les immeubles puis le dépôt de 53 millions ».

Lors de la période des questions, le premier ministre Philippe Couillard a rappelé que l'UPAC et la vérificatrice générale font enquête sur les transactions immobilières à la SIQ. Ils donneront « une vision complète » de cette affaire, a-t-il affirmé. Accusé par M. Legault d'avoir « caché » le rapport de la firme Accuracy, il a répliqué que le gouvernement a voulu respecter « l'intégrité des travaux policiers » et que ce document avait été déposé sous le gouvernement Marois.