Le maire Denis Coderre refuse de sortir de son mutisme malgré les nouveaux appels à la suspension du directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Philippe Pichet par le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Projet Montréal. Joint par La Presse, le cabinet du maire a maintenu que M. Coderre n'allait pas réagir à cette affaire «pour l'instant».

Ce matin, Jean-François Lisée a réclamé la suspension du chef de police puisque ce dernier n'a «pas dit toute la vérité» dans l'affaire de l'écoute électronique de journalistes. Le chef du Parti québécois a appelé ainsi le gouvernement Couillard à «poser ce geste éthique» et suspendre dès maintenant le chef de police de Montréal.

«Juste le fait d'avoir voulu avoir les données sans écoute électronique, c'était trop. De l'écoute électronique, c'est pire! Ça pose un problème sérieux sur la crédibilité de M. Pichet. Déjà la semaine dernière, je réclamais sa suspension jusqu'à ce que toute la lumière soit faite. Là, on apprend qu'il n'a pas dit toute la vérité, donc ça empire son cas», a affirmé Jean-François Lisée, en entrevue avec La Presse, de passage à Verdun pour faire campagne pour les élections partielles. 

La Presse a révélé ce matin que le SPVM avait obtenu le 27 mai dernier un mandat pour placer sur écoute le journaliste Vincent Larouche et le chroniqueur Patrick Lagacé.

Les enquêteurs voulaient ainsi écouter les conversations des deux journalistes avec le policier du SPVM Fayçal Djelidi, visé par cette enquête criminelle. Or, le directeur Pichet avait affirmé plus tôt cette semaine qu'il n'avait «jamais été question d'écoute électronique» dans cette affaire.

Jean-François Lisée ne réclame pas la démission de Philippe Pichet «pour l'instant», mais demande qu'il se retire pendant la durée d'une enquête sur cette affaire. «De toute évidence, dans son devoir de bien informer la population sur l'ampleur du problème, il a failli à cette tâche. Alors il ne peut plus être responsable de la suite des opérations», maintient le chef de l'opposition officielle.

Le directeur Philippe Pichet «ne peut pas rester en poste» dans cette situation «intenable», soutient le député de la CAQ Simon Jolin-Barrette, porte-parole du parti en matière de justice. «Lorsque vous [M. Pichet] dites que le SPVM n'a pas demandé de mandat électronique et qu'il y en avait un, c'est induire la population en erreur. Et ça, c'est inacceptable de la part d'un chef de police. C'est important que Philippe Pichet réponde aux questions des journalistes et clarifie la situation», affirme-t-il.

Le député caquiste de Borduas appelle ainsi le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux à «réfléchir sérieusement» à la possibilité de retirer le chef Pichet de ses fonctions. «C'est une situation intenable pour le chef Pichet, le fait que son organisation fasse une chasse source des journalistes et espionne des journalistes. Donc non, il ne peut pas rester en poste», maintient-il.

Le ministre Coiteux a d'ailleurs appelé la Ville de Montréal et le SPVM à «faire preuve de la plus grande transparence dans ce dossier et [à] poser des gestes afin de restaurer la confiance des Montréalais envers leurs institutions», samedi après-midi dans un message publié sur Twitter.  

Projet Montréal, le parti d'opposition officielle à l'Hôtel de ville, réclame à nouveau la suspension du chef Pichet pendant la durée d'une enquête sur cette affaire. «Il y a une contradiction flagrante entre ce que M. Pichet a affirmé aux médias et ce que La Presse a révélé ce matin. Soit que M. Pichet a menti, soit qu'il a perdu le contrôle de son organisation. D'une manière ou d'une autre, il est imputable. Il devrait, pour le bien du SPVM, se retirer de ses fonctions le temps qu'une enquête soit faite pour faire la lumière dans cette affaire», soutient le conseiller de Projet Montréal Alex Norris, aussi vice-président de la Commission sur la sécurité publique.

Alex Norris dénonce «l'improvisation totale de la part du maire» Denis Coderre dans ce dossier. «Son premier réflexe a été de défendre M. Pichet becs et ongles. Sous pression, il a mandaté la commission de la Sécurité publique de tenir une séance à huis clos, ce qui est complètement inadéquat pour rester la confiance du public. Ensuite, il a fait une demande totalement farfelue que le bureau de l'inspecteur général (BIG) fasse enquête, alors qu'on sait que ce n'est pas dans son mandat de surveiller les opérations policières. C'est complètement à côté de la track!», affirme le conseiller de ville du district Jeanne-Mance.

Le maire Denis Coderre n'avait pas réagi à ces révélations cet après-midi. 

Le gouvernement Couillard doit agir, dit Lisée

«Il y a une personne qui nomme et qui peut démettre le chef de police de Montréal, et ce n'est pas le maire de Montréal. C'est le premier ministre du Québec. Alors c'est à lui de prendre ses responsabilités et de dire : écoutez, on va suspendre M. Pichet, le directeur, pendant la durée de l'enquête. Je ne comprends pas pourquoi il se refuse à poser ce geste éthique, de base, dans une situation comme celle-là», a lancé M. Lisée.

En fait, selon la Loi sur la police, le ministre de la Sécurité publique peut ordonner qu'un directeur de police soit suspendu s'il «estime qu'il existe, au sein du corps de police, une situation qui met en péril son bon fonctionnement». Le ministre nomme alors un administrateur «chargé de redresser la situation». Cette mesure exceptionnelle «d'administration provisoire» est toutefois synonyme de mise en tutelle du corps policier. 

Le ministre a également le pouvoir, selon la Loi sur la police, de recommander la destitution du directeur du SPVM au gouvernement, conformément à l'Article 110 de la Chartre de la Ville de Montréal. Ainsi, selon cet article, le gouvernement ne peut destituer le directeur que sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique, lequel «doit préalablement prendre l'avis du conseil et de la Commission de la sécurité publique [de Montréal] qui, à cette fin, entend le directeur».