Le nouveau chef du Parti québécois Jean-François Lisée a tendu la main aux autres partis souverainistes vendredi dans son discours de victoire, se qualifiant de «chef du rassemblement». Or, sa volonté de repousser un référendum sur l'indépendance dans un second mandat péquiste en 2022 rebute Québec solidaire et Option nationale.

«On est aux antipodes», résume la porte-parole de Québec solidaire Françoise David, au sujet de la position des deux partis sur la démarche référendaire. «Je sais bien à quoi pense M. Lisée. Il veut rapprocher Québec solidaire et le Parti québécois. C'est clair que M. Lisée voudrait envisager des alliances électorales en vue de l'élection générale de 2018. Là-dessus, je n'ai pas de réponses à lui donner aujourd'hui. Nos membres vont décider lors des prochains congrès», explique-t-elle.

Mais selon la députée de Gouin, les deux formations souverainistes pourront difficilement trouver un terrain d'entente dans le cadre des convergences des forces souverainistes, une initiative de Pierre Karl Péladeau. «Comment voulez-vous amener des partis politiques à débattre ensemble d'accession à la souveraineté quand vous avez un des deux partis qui ne veut surtout pas en discuter durant deux ans, et on verra plus tard? Nous, on dit qu'il faut dès maintenant, avec la population, construire un projet souverainiste, intéressant et viable», affirme Françoise David.

Françoise David estime que Jean-François Lisée a joué «dangereusement avec le feu» pendant la campagne en mettant de l'avant des thèmes identitaires. «Il faut faire attention. Il ne faut pas souffler sur les braises. Oui, il faut débattre de laïcité. Est-ce qu'on peut débattre de comment on intègre les immigrants ?  Bien sûr que oui. Mais attention aux amalgames, attention de parler, en deux mois, de fêtes religieuses, de burkini, de burqa, et finalement d'immigration. Dans la tête de plein de gens, ça finit par être la même question. [...] Ça crée des insécurités», déplore-t-elle.

Lisée a un «double discours» selon Zanetti

Le chef d'Option nationale, Sol Zanetti, soutient que la position de Jean-François Lisée sur la souveraineté est «dangereuse pour le Parti québécois» et va «retarder la renaissance du mouvement indépendantiste et sa convergence aussi».

Le chef d'ON remet également en question l'avenir de la convergence des forces souverainistes. «Si on se réunit, c'est pour faire l'indépendance, pas pour gouverner une province. [...] Évidemment que [M. Lisée] va dire qu'il veut la convergence, mais dans les faits, ce qu'il propose, c'est d'en sortir. Alors nous, on est très ouvert à la convergence, mais c'est M. Lisée qui ne l'est plus, qu'il ne l'est pas, s'il l'a déjà été, sauf en paroles. Il a clairement un double discours», soutient-il.

Claudette Carbonneau, la présidente des OUI Québec, assure que la victoire de Jean-François Lisée ne changera pas le plan de l'organisation non partisane souverainiste qui avait réussi à réunir à la même table les différentes formations indépendantistes. «Je veux avoir une rencontre avec le nouveau chef, je veux reparler avec tous les partenaires des autres partis. Je ne vois vraiment pas pourquoi on ne se remettrait pas au travail. Il serait prématuré de dire : tout ça ne se fera pas.»

Les déclarations de Françoise David ont déçu le député péquiste de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, un partisan de M. Lisée au cours de la course à la direction.«Elle n'a pas bien écouté le discours d'hier [vendredi] qui porte entre autres sur le pipeline et sur les hydrocarbures. J'ai l'impression qu'elle se cherche des raisons pour ne pas travailler au rassemblement [des forces souverainistes]», a-t-il dit à La Presse Canadienne.

M. Bérubé ne sait pas dit surpris par le rejet immédiat de l'ouverture souhaitée par les stratèges péquistes. «Ce n'est pas très surprenant. Elle ne voulait pas parler avec Pierre Karl Péladeau. Elle garde la même relation avec le nouveau chef. Il vaut mieux travailler ensemble à faire battre les libéraux.»

Du côté de la scène fédérale, le chef intérimaire du Bloc québécois Rhéal Fortin s'est dit «bien heureux» et «très à l'aise» avec le choix du nouveau chef du PQ, même si ce dernier a décidé de reporter la tenue d'un référendum.

«Moi ce que je retiens, ce n'est pas qu'il n'y aura pas de référendum dans le premier mandat. Ce que je retiens, c'est qu'il y en aura un dans le deuxième [...] Il faut prendre le temps d'y arriver, il faut le préparer correctement si on ne veut pas vivre un autre échec», a-t-il souligné à la Presse canadienne.

L'ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui avait émis certaines réserves sur Jean-François Lisée, a indiqué que le nouveau chef avait fait un «excellent discours» rassembleur. «Il faudra que ce soit dans cette veine-là, que ça se poursuive», a-t-il dit, ajoutant qu'il «maintenait» sa critique de M. Lisée, qui avait tracé un lien entre son rival, Alexandre Cloutier, et le prédicateur controversé Adil Charkaoui.

«C'est irresponsable sur cette question-là. Je n'ai pas dit que l'ensemble de ses années en politique étaient marquées par l'irresponsabilité»,  a-t-il expliqué.

M. Duceppe ne s'est pas inquiété des conséquences de la course sur l'unité du parti. Tous les partis politiques portent des marques des courses à la direction, selon lui. «C'était bien pire entre (Paul) Martin et (Jean) Chrétien dans les années 1990 [...]  La chicane s'est poursuivie pendant des années, pourtant ils ont pris le pouvoir», a-t-il indiqué.

- Avec la Presse canadienne