Considéré pendant des mois comme le meneur de la course à la direction du Parti québécois, Alexandre Cloutier a été hué lors du deuxième débat officiel, dimanche. Certains militants péquistes ont accueilli avec hostilité son refus d'imposer l'affichage unilingue en français dans les commerces.

Le député de Lac-Saint-Jean a été pris d'assaut par sa rivale Martine Ouellet lors d'un échange portant sur la langue d'affichage. La candidate a promis de modifier la Charte de la langue française pour imposer l'affichage en français dans tous les commerces du Québec.

Si la Cour suprême devait invalider sa démarche, Mme Ouellet a affirmé qu'elle recourrait à la «clause nonobstant» pour l'imposer. Elle a mis M. Cloutier au défi de l'imiter.

«Je ne vois pas pourquoi un chef du Parti québécois se gênerait pour utiliser la clause nonobstant», a-t-elle lancé, provoquant un tonnerre d'applaudissements dans la salle du Monument-National. M. Cloutier a rétorqué qu'il n'entend pas utiliser la disposition de dérogation pour imposer l'affichage unilingue français contre l'avis du plus haut tribunal au pays.

«Dans le cadre d'un Québec indépendant, la réponse va être oui, a-t-il expliqué. Mais il y a un cadre légal à respecter et, c'est malheureux, mais on doit le respecter.»

Cette réplique lui a valu des huées bien senties dans l'auditoire. Un militant l'a même traité de «pisseux».

M. Cloutier s'est dit favorable à étendre les dispositions de la loi 101 aux petites et moyennes entreprises. Il souhaite aussi «colmater la brèche» ouverte par la décision de la Cour suprême d'invalider un règlement qui forçait les grandes marques à ajouter un descriptif français à leurs enseignes.

Mais cette prise de position est trop timide aux yeux de Mme Ouellet.

«Je comprends que tu restes dans le cadre actuel, que tu restes soumis à la Cour suprême du Canada», a-t-elle ironisé, accusant son rival «d'abdiquer» sur la question.

Première salve

Alexandre Cloutier avait essuyé une première salve sur cette même question quelques minutes plus tôt. Cette fois, le tir venait de Paul St-Pierre Plamondon.

Le seul candidat qui n'est pas député s'en est pris à sa proposition de faire de la francisation un droit. M. Cloutier estime que cette politique encouragerait l'État à bonifier les programmes d'intégration des immigrants. Mais pour M. St-Pierre Plamondon, elle ne va pas assez loin.

«Un droit, c'est facultatif, a-t-il lancé. On peut choisir d'avoir un droit et de ne pas l'exercer. La différence entre ta position et la mienne, c'est que moi, je dis que l'apprentissage du français au Québec, quand on arrive, c'est un devoir.»

Encore là, la critique à l'endroit de M. Cloutier a provoqué de vifs applaudissements.

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Ouellet d'attaque

Alors que les sondages la situent au troisième rang derrière Alexandre Cloutier et Jean-François Lisée, Martine Ouellet s'est résolument portée à l'attaque. La seule candidate à promettre un référendum dans un premier mandat a dénoncé la «campagne de peur» que mène Jean-François Lisée, qui souhaite repousser la consultation à 2022. «Qui est la mieux placée pour rivaliser contre Philippe Couillard? Celui qui fait des volte-face régulièrement pour gagner des points à court terme, qui dit une chose un jour et le contraire le lendemain, qui cultive l'ambigüité et le flou mou, qui divise les forces souverainistes, ou celle qui rassemble le mouvement indépendantiste, qui affirme ses convictions, qui assure la cohérence et qui garde le cap?» a-t-elle asséné.

Le repli ou l'ouverture

Alexandre Cloutier a présenté la course à la direction du PQ comme un choix entre l'ouverture et le repli, une allusion claire au débat musclé qui l'a opposé à Jean-François Lisée sur le port des signes religieux. «Le Parti québécois doit être fidèle à ses racines, a-t-il dit. Nous sommes des humanistes. Nous sommes une grande formation politique qui avons toujours construit sur l'ouverture. Le Parti québécois doit s'inspirer des Kotto, il doit s'inspirer des Godin, il doit s'inspirer de tous ceux qui étaient là avant nous et qui ont fait de la place à la diversité.» M. Cloutier souhaite inscrire le principe de la laïcité dans une éventuelle Constitution québécoise. Il favorise l'interdiction du port des signes religieux chez les fonctionnaires en position d'autorité, mais pas chez les professeurs, contrairement à M. Lisée.

Écouter les membres

Alexandre Cloutier a fait valoir que les anciens premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard ont pris leurs distances de la charte des valeurs du gouvernement Marois. Ce à quoi M. Lisée a rétorqué qu'il «faut écouter les membres» du PQ, qui ont inscrit cette politique dans le programme du parti. M. Lisée a par ailleurs surpris son rival en se disant ouvert à appuyer le projet de loi 62 du gouvernement Couillard, qui prévoit que les fonctionnaires doivent exercer leur métier à visage découvert. «C'est quand même quelque chose de commencer de baliser, a-t-il lancé. Et ensuite, moi je veux voir M. Couillard, avec un vote unanime de l'Assemblée nationale, se faire dire par Justin Trudeau qu'il n'a pas le droit de faire ça.»

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ILS ONT DIT

«Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Dans des débats précédents, c'est arrivé à plusieurs occasions. En fait, c'est arrivé de façon nettement plus importante et fréquente lors de la dernière course au leadership. Ça fait partie de la ‟game".» - Alexandre Cloutier, au sujet des huées qui le visaient

«Il veut être le leader du mouvement indépendantiste? Ce n'est pas avec quelqu'un qui fait des campagnes de peur qu'on va réaliser l'indépendance. Des fois, j'ai le goût de dire à Jean-François: ‟Stéphane Dion, sors de ce corps".» - Martine Ouellet, au sujet de la position de Jean-François Lisée sur le calendrier référendaire

«Est-ce qu'il y a une question sérieuse?» - Jean-François Lisée, à propos des commentaires de Martine Ouellet

OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Martine Ouellet