Philippe Couillard se porte à la défense de Laurent Lessard même s'il reconnaît ignorer les faits entourant la nouvelle controverse dans laquelle son ministre est plongé.

Pour le premier ministre, l'opposition fait du « salissage ».

Mardi, le Parti québécois a soutenu que l'ex-conseiller politique du ministre, Yvon Nadeau, s'est placé non pas dans une, mais bien dans deux situations apparentes de conflit d'intérêts. On savait déjà qu'une entreprise que M. Nadeau dirige a reçu en juillet une subvention de trois millions du ministère des Ressources naturelles. Cette aide avait été sollicitée deux ans plus tôt, au moment où M. Nadeau travaillait au bureau de circonscription de M. Lessard.

La députée péquiste Agnès Maltais en a rajouté une couche : M. Nadeau a été gestionnaire de chalets en location à proximité de la station de ski du Mont Adstock, qui a aussi touché une subvention du gouvernement. La coopérative de la station touristique, dont M. Nadeau était membre du CA, a reçu un million $ en 2008 du ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport afin d'assurer sa survie et de rénover ses installations. M. Nadeau travaillait alors au bureau de circonscription de Laurent Lessard. Lors l'annonce de l'aide financière, un promoteur qui projette de construire des chalets au pied du mont Adstock « félicite M. Nadeau pour sa magnifique implication dans le dossier. Or, on découvre qu'un peu plus tard, M. Nadeau devient gestionnaire des chalets de location au mont Adstock », tout en conservant son poste de conseiller auprès de M. Lessard, a révélé Mme Maltais. Elle a souligné que sans les rénovations subventionnées au mont Adstock, les chalets n'auraient eu que peu de valeur.

Questionné par les journalistes mercredi, Philippe Couillard a déclaré qu'il s'agit d'« allégations ». « Vous ne connaissez pas les faits. Je ne les connais pas non plus », a-t-il reconnu, une remarque qui a provoqué un déluge de questions afin de savoir les raisons pour lesquelles il n'a fait aucune vérification.

Agnès Maltais se dit « assez étonnée » de cette déclaration. Il est anormal selon elle que le premier ministre ne vérifie pas les faits dans une affaire mettant en cause l'intégrité de l'un de ses membres de son cabinet ministériel. « Il commence à ressembler à Gérald Tremblay: je ne sais pas, je ne veux pas le savoir ! », a-t-elle lancé lors d'une mêlée de presse.

Philippe Couillard dit avoir « entière confiance en M. Lessard ». « La raison pour laquelle l'opposition fait tant de bruit: c'est parce qu'(elle) réalise que c'est un excellent ministre des Transports » et qu'elle ne l'accepte pas, a-t-il ajouté.

Il a rappelé que le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale fait enquête entourant l'octroi de la subvention à l'entreprise Pyrobiom dirigée par Yvon Nadeau.

De son côté, Laurent Lessard a soutenu que M. Nadeau pouvait à la fois travailler à son bureau de circonscription et être gestionnaire dans le privé. Il dit n'avoir rien à se reprocher. Il a rencontré le commissaire à l'éthique en matinée. Il a plaidé qu'en 2014, le commissaire lui avait donné à sa demande une « directive » permettant d'avoir à son emploi M. Nadeau même s'il avait une demande de subvention en cours de traitement dans un ministère pour le compte de Pyrobiom. Il dit avoir respecté les conditions de cette directive et demande au commissaire de la rendre publique. Ce dernier affirme qu'il ne peut pas, car l'affaire fait l'objet d'une enquête, déclenchée à la suite d'une demande de l'opposition.

M. Lessard a rapidement mis fin à la mêlée de presse, mais il est revenu devant les caméras lorsqu'un journaliste lui a dit qu'il donnait l'impression d'être « nerveux ». « Vous me permettrez parfois d'être un peu nerveux. Ce n'est pas tous les jours qu'on a à défendre son intégrité. Après 13 ans et demi à l'Assemblée nationale, c'est la première fois », a-t-il déclaré.

Yvon Nadeau est un proche de M. Lessard. Sa conjointe a déjà travaillé pour le ministre, qui est le parrain du fils du couple. M. Nadeau a été conseiller politique pour M. Lessard de 2003 à 2013, puis de 2014 à 2015.

Lors de la période des questions en Chambre, le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a réclamé la démission du ministre. « Il n'a plus l'autorité morale pour s'occuper d'une tâche aussi colossale en matière d'éthique » que de mettre en oeuvre les recommandations de la Commission Charbonneau au ministère des Transports. Ce dernier est le plus gros donneur d'ouvrage au Québec. « On a besoin d'un ministre au-dessus de tout soupçon. Or, il n'a pas la sérénité nécessaire actuellement » en raison des controverses mettant en cause son ex-conseiller politique.