Le projet pilote d'un an conclu mercredi entre Uber et Québec accorde 50 000 heures de transport par semaine aux chauffeurs du géant californien, soit 300 permis de propriétaire de taxi, selon le texte de l'entente de principe rendu public vendredi après-midi par le ministère des Transports. Or dans les faits, les chauffeurs pourront travailler un nombre d'heures illimités, au grand dam de l'industrie du taxi.

Comme La Presse le révélait vendredi, la redevance sera établie à 90 cents par course, mais augmentera à 1,10 $ au-delà du seuil de 50 000 heures. À la 100 001e heure, la redevance grimpera à 1,26 $. Ainsi, le projet pilote d'une durée d'un an, qui pourra être prolongé d'encore un an par le ministre, ne limite ni le nombre de véhicules d'Uber en circulation ni le nombre d'heures travaillées par semaine par les « partenaires-chauffeurs ».

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Ces seuils pourraient toutefois être ajustés à la hausse ou à la baisse « en cours d'expérimentation et en fonction des résultats préliminaires du projet pilote », stipule l'entente. Uber sera également tenu de faire passer 2,50 à 3,45 $ son tarif minimum par course, soit le tarif de prise en charge des taxis. Une somme de 0,07 $ par course s'ajoutera également pour tenir compte des coûts d'assurance des taxis.

Le gouvernement a déjà annoncé que toutes les redevances seraient versées dans un fonds de modernisation de l'industrie du taxi, dont les modalités restent à négocier avec l'industrie. Le gouvernement a déjà versé cinq millions de dollars dans le fonds.

La mention de 50 000 heures et de 300 permis dans l'entente est « ridicule », s'exclame Benoit Jugand, porte-parole du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM). « Il n'y a aucun plafond d'heures. Il n'y a pas de limite de véhicules. C'est un calcul grossier ! On ne peut pas affirmer qu'Uber va se limiter à 300 véhicules un vendredi soir. Il n'y a aucun plafond ! », dénonce-t-il.

L'industrie du taxi craint qu'il n'y ait une « inondation du marché pendant les heures d'affluence », puisque l'entente ne limite pas le nombre de véhicules d'Uber en circulation. « Est-ce qu'on tente d'appauvrir les chauffeurs en réduisant leur taux horaire ? fulmine Benoit Jugand. Ce projet crée un régime à deux vitesses. Pour nous, c'est une preuve claire que le gouvernement a faite par la porte d'en arrière ce qu'il a dit publiquement qu'il ne ferait jamais. »

Le regroupement étudie la possibilité d'intenter une contestation judiciaire. « On n'écarte aucune possibilité non plus de manifestation et de mobilisation. Une chose est certaine, on n'incite pas, et on n'incitera jamais nos chauffeurs à commettre du grabuge. [...] Mais quand on accule les gens au mur et qu'ils ont tout perdu, ils n'ont rien à perdre, et ça, dans une société, ça devient dangereux », prévient Benoit Jugand.

Georges Tannous, président du Comité provincial de développement et de concertation de l'industrie du taxi (CPCDIT) soutient pour sa part que le projet-pilote est «illégal», puisqu'il ne respecte pas plusieurs modalités de la loi 100. Il dénonce aussi le fait que le gouvernement ait mis en place un système de seuil d'heures sans consultation avec l'industrie. «En commission parlementaire, personne n'a parlé de ça, personne n'a proposé cette idée !», s'insurge-t-il.

Par communiqué, le directeur général d'Uber Québec, Jean-Nicolas Guillemette, a indiqué vendredi être en train d'analyser les « paramètres complexes et contraignants imposés par le gouvernement » dans le cadre du projet pilote. « Nous poursuivons l'évaluation des impacts sur la fiabilité et la flexibilité des services que nous offrons aux Québécois. Nous avons la ferme intention de démontrer une conformité réglementaire et fiscale complète », a-t-il déclaré. Par ailleurs, depuis jeudi à minuit, les deux taxes de vente sont perçues sur chaque course Uber. 

D'autre part, les chauffeurs d'Uber devront se doter d'ici trois mois d'un permis de conduire de classe 4C, à l'instar des chauffeurs de taxi. La multinationale pourra offrir sa propre formation à ses chauffeurs en respectant certaines exigences minimales. Aussi, la modulation tarifaire, qui permet à Uber d'augmenter ses tarifs en périodes de forts achalandages, sera limitée en cas de «force majeure».

Les véhicules de chauffeurs d'Uber devront faire l'objet d'une vérification mécanique. Toutefois, l'inspection pourra être menée par un mécanicien certifié, et non pas obligatoirement par un mandataire de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), comme pour les taxis. Autre différence : la vérification des antécédents judiciaires des chauffeurs d'Uber pourra être effectuée par une entreprise privée, alors que les chauffeurs de taxi sont tenus de faire affaire avec un corps policier.

- Avec la collaboration de Denis Lessard et Tommy Chouinard