Les chauffeurs d'Uber pourront travailler autant d'heures qu'ils le veulent durant le projet-pilote d'un an, mais plus ils en feront, plus le niveau de la redevance payable au gouvernement grimpera.

Les revenus tirés des redevances versées par Uber serviront à garnir le fonds de modernisation de l'industrie du taxi dans lequel le gouvernement a déjà versé cinq millions de dollars. Les modalités du fonds restent à définir.

Pour le premier ministre Philippe Couillard, le régime de redevances permet maintenant à tous les acteurs de compétitionner à armes égales. L'entente conclue in extremis avec Uber « apporte une équité commerciale fondamentale », a-t-il soutenu en conférence de presse, au terme de la réunion de son caucus pour préparer la rentrée parlementaire.

Aux chauffeurs de taxi en furie, le premier ministre rétorque que l'entente est « équitable » et « assure un terrain de compétition favorable de part et d'autre ».

« C'est toujours le principe de la tarte, a-t-il illustré. On peut voir la situation comme une tarte avec une limite qu'il faut se partager. Ou l'occasion de grossir la tarte et que tout le monde en ait plus », voit son volume d'affaires augmenter. « À mon avis, c'est dans cette deuxième situation qu'on est. »

La valeur des permis achetés par les chauffeurs à fort prix va-t-elle diminuer ? « On ne le sait pas encore », a dit le premier ministre, agacé qu'un journaliste laisse entendre que ce serait le cas. « Le projet-pilote permet d'étudier les conséquences. Je n'assume pas nécessairement que les conséquences vont être négatives pour les chauffeurs de taxi. »

Le premier ministre s'accroche aux propos d'Alexandre Taillefer, de l'entreprise Téo, qui salue l'entente. « Sa déclaration n'est pas anodine. C'est une référence importante. »

L'accord paraît « unique au monde » aux yeux de Philippe Couillard. « On sait qu'Uber a des problèmes à s'inscrire dans des cadres règlementaires partout sur la planète, et je crois qu'au Québec, on a fait un pas qui doit être reconnu », a-t-il affirmé.

La multinationale a accepté de retourner au fisc la TPS et la TVQ qu'elle prélèvera à l'avenir sur chaque course faite par ses chauffeurs UberX. L'entente fiscale prévoit également le paiement des impôts de la part des chauffeurs et de la société Uber.

Selon les informations obtenues par La Presse au sujet des redevances, Uber devra payer au gouvernement 90 cents pour chaque course sous un seuil de 50 000 heures de travail par semaine pour l'ensemble de ses chauffeurs. Si ceux-ci travaillent entre 50 000 et 100 000 heures, la contribution passe à 1,10$ pour cette tranche ; 1,26$ au-delà de 100 000 heures.

« Je ne contredirai pas ce que vous disez », a dit M. Couillard lorsqu'un journaliste lui a présenté le niveau des redevances. Il a refusé de donner le détail des règles du jeu qui s'appliqueront durant le projet-pilote. L'entente sera rendue publique « lorsque sa forme finale sera à la satisfaction des deux parties ». Des discussions sont en cours entourant la rédaction des textes définitifs.

« Il y a un volume d'activité contrôlé de façon un peu dissuasive par des contributions qui augmentent avec le volume. C'est important pour créer un environnement commercial compétitif », a affirmé M. Couillard.

Le gouvernement « n'est pas naïf » et veillera à ce qu'Uber respecte l'entente.  « Toute dérogation sera immédiatement suivie de conséquences. » Le projet-pilote sera interrompu et les sanctions de la loi 100 s'appliqueront « si tout est bafoué ». 

Québec révèle au compte-gouttes le contenu de l'entente. Voici ce que l'on sait pour le moment :

•  La multinationale s'est entendue avec Québec pour reverser au fisc la TPS et la TVQ qu'elle prélèvera à l'avenir sur chaque course faite par ses chauffeurs UberX. L'entente fiscale prévoit également le paiement des impôts. Quant aux arriérés de taxes, il n'y a pas de remboursement de la part d'Uber et le gouvernement n'efface pas l'ardoise. La poursuite devant les tribunaux est maintenue.

•  Chaque course sera frappée d'une contribution au gouvernement, la redevance détaillée plus haut.

•  Les redevances perçues seront versées dans un fonds servant « à aider l'industrie du taxi à se moderniser ». Ce sera ainsi une forme de « compensation » pour les chauffeurs de taxi.

•  Uber fonctionnera comme intermédiaire et aura un permis en ce sens. Il n'y a pas création d'un nouveau type de permis.

•  Uber n'a pas de territoire à respecter ou une zone bien précise où elle peut opérer. Le gouvernement a plutôt choisi d'encadrer ses activités en fixant un volume d'heures. Par contre, il est « probable » que des lieux lui soient interdits, comme l'aéroport, a dit M. Couillard

•  Les chauffeurs d'Uber devront détenir un permis de classe 4c comme les chauffeurs de taxi traditionnel, ce qui implique entre autres une formation.

•  Les véhicules devront être inspectés.

•  Les chauffeurs devront détenir une « habilitation sécuritaire », donc être soumis à la vérification de leurs antécédents judiciaires.

•  L'entente prévoit une « immatriculation conforme », mais le ministre Laurent Lessard a affirmé que du travail reste à faire à ce sujet. Est-ce que ce sera une plaque T ? Une vignette ? On l'ignore.

•  Uber devra avoir des assurances conformes.

Québec se donne 20 jours pour mettre en place le projet-pilote.