Un comité de travail sur le transport des matières dangereuses mis sur pied après la tragédie de Mégantic a été relégué aux oubliettes à l'arrivée au pouvoir des libéraux.

« Il est difficile d'obtenir une information en temps réel sur les matières dangereuses circulant au Québec pour tous les modes de transport. » C'est le ministère des Transports du Québec lui-même qui le déplore, et depuis bien avant l'accident tragique sur l'autoroute Métropolitaine.Il fait ce constat dans un document datant de 2013 et destiné à un comité de travail sur le transport des matières dangereuses. Or le gouvernement Couillard a passé à la trappe ce comité peu de temps après son arrivée au pouvoir.

La Table québécoise sur la sécurité ferroviaire et le transport de matières dangereuses avait été créée par le gouvernement Marois en décembre 2013, dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic. Cette table réunissait des experts de trois ministères (Transports, Sécurité publique et Affaires municipales) et des représentants des associations municipales (UMQ et FQM).

Son mandat portait surtout sur le transport par rail. Mais le camionnage était également ciblé. À preuve, un état de situation présenté lors de la première rencontre de la Table en décembre 2013 précise que le transport des matières dangereuses se fait surtout sur les routes, dans une proportion de 70 % (contre 24 % sur les rails, 5 % par la voie maritime et 1 % par les airs).

Selon le même document, le transport des matières dangereuses représente 6 % de tous les déplacements interurbains par véhicule lourd. Il est impliqué dans 2 % des accidents au Québec (232 sur un total de 10 450 en 2012).

On y souligne que « c'est l'ensemble du cadre normatif qui diminue les risques d'accidents du transport routier, et pas seulement une réglementation en particulier : règles de circulation, réglementation spécifique aux véhicules lourds et cote de sécurité qui identifie les transporteurs et conducteurs à risque ».

C'est dans ce document que le MTQ s'avoue en manque d'information « en temps réel » sur le transport des matières dangereuses au Québec, que ce soit sur les rails ou sur les routes.

« BESOIN IMPORTANT À COMBLER »

Ce n'est pas le seul ministère à avoir soulevé cet enjeu au cours des dernières années. Dans la Politique québécoise sur la sécurité civile 2014-2024, le ministère de la Sécurité publique souligne la nécessité de « développer la connaissance » des risques associés à l'entreposage et au transport des matières dangereuses. Il s'agit même d'un « besoin important à combler », peut-on lire. Pour y arriver, le Ministère relève « l'importance de la contribution des gestionnaires ou des responsables des organisations » qui travaillent dans le domaine.

La Table québécoise sur la sécurité ferroviaire et le transport de matières dangereuses avait produit un rapport préliminaire au printemps 2014. Ce document, qui traitait surtout du transport par rail, selon des sources, n'a jamais été rendu public.

Le comité a cessé ses travaux après les élections d'avril 2014 qui ont porté au pouvoir les libéraux de Philippe Couillard. Elle devait produire un rapport final à la fin de 2014 ou au début de 2015.

LE PQ DÉNONCE, LE PLQ RÉPLIQUE

Le Parti québécois dénonce la disparition de ce comité de travail. Il s'explique difficilement pourquoi le gouvernement a pris cette décision. Les libéraux sourcillent. « Curieusement, ce n'était pas prioritaire pour le parti de l'opposition, et là, ça le devient » après l'accident sur l'autoroute Métropolitaine, a répliqué Armand Dubois, conseiller politique au cabinet du ministre des Transports, Jacques Daoust. Il a fait valoir que le PQ n'avait pas interpellé le gouvernement jusqu'ici au sujet des travaux de la Table.

Le gouvernement a décidé de mettre fin à ce comité, privilégiant « des interventions auprès des autorités fédérales pour améliorer la sécurité ferroviaire, qui relève beaucoup de Transports Canada », a expliqué Armand Dubois. Le lien entre le mandat de la Table et le transport routier de matières dangereuses est, selon lui, ténu.

L'accident qui a fait un mort cette semaine « a relancé la question du transport de ces matières-là. Il y aura une réflexion sérieuse là-dessus, une réflexion qui n'avait pas été faite avant en dépit de ce qui dit l'opposition », a plaidé M. Dubois. « Le ministre a demandé au Ministère de faire des propositions, en consultant les acteurs concernés. Et il veut éventuellement mettre en place des mesures. »

Comme le révélait La Presse plus tôt cette semaine, Jacques Daoust envisage d'interdire le transport de matières dangereuses aux heures de pointe.