Alexandre Cloutier est, parmi les candidats à la direction du Parti québécois, le plus à même d'insuffler le nouvel élan dont le parti de René Lévesque a besoin. Quant à Jean-François Lisée, ses propositions sur la laïcité nous ramènent aux tristes heures de la Charte des valeurs du gouvernement de Pauline Marois.

L'auteur et sociologue Gérard Bouchard n'a pas souvent pris position dans l'arène partisane. Mais la candidature d'un fils du Saguenay l'a décidé à sortir de l'ombre. Il avait connu M. Cloutier lors de la course remportée par Pierre Karl Péladeau. Le député péquiste a sollicité l'avis de M. Bouchard sur plusieurs questions - l'immigration, la diversité ethnoculturelle, la laïcité.

En matière de laïcité, M. Cloutier « est assez aligné » sur la proposition du rapport Bouchard-Taylor, qui interdit le port de signes religieux aux seules personnes qui ont un pouvoir de « coercition » sur les citoyens, soit les policiers, les juges, les gardiens de prison. Le président de l'Assemblée nationale ne devrait pas davantage afficher sa foi.

M. Cloutier garde ses cartes sur la question nationale et n'entend dire que six mois avant les prochaines élections s'il y aura un référendum dans un premier mandat péquiste. « C'est l'os qui guette tous les candidats. Le fait qu'il ait décidé d'attendre un peu avant de faire connaître sa position est un signe de prudence, qui ne me gêne pas. La politique change rapidement, les candidats n'ont pas à mettre leurs cartes sur la table tout de suite », estime M. Bouchard.

« Il est temps que le PQ se relève et retrouve la voie qui a toujours été la sienne avec M. Lévesque, M. Parizeau, avec mon frère [Lucien Bouchard] et M. Landry. Le nationalisme du PQ était libéral, progressiste et respectueux des droits. Le PQ était l'exemple en Occident d'un mariage rare entre le nationalisme et le libéralisme. Les Catalans, les Écossais nous disaient que le Québec était un exemple. Ils ne le disent plus depuis deux ans [depuis la charte de Bernard Drainville] », affirme M. Bouchard.

Il est évident « qu'il faut repenser la souveraineté, que ce discours doit être réécrit. Il y a un besoin évident de relève, et je pense qu'Alexandre Cloutier incarne cette relève », souligne aussi M. Bouchard.

LISÉE « INCARNE LA CONTINUITÉ »

Inversement, selon Gérard Bouchard, Jean-François Lisée « incarne plus la continuité que la relève. Il a été au front pendant longtemps ». Le PQ a besoin d'un élan que seul un nouveau visage peut donner, selon lui. Les chefs précédents n'étaient pas des néophytes, mais « la situation du PQ actuellement est complètement différente, son élan est cassé. Pour les jeunes, on ne peut parler de désaffection, mais leur adhésion au PQ n'est plus la même qu'il y a quelques années ».

Pour M. Bouchard, la position de Jean-François Lisée en matière de port de signes religieux ne passerait pas le test des tribunaux. Sa position « ressemble étrangement à la charte des valeurs. Les institutions publiques ou parapubliques auraient à décider de l'utilisation dans leurs lieux de signes religieux ». M. Lisée maintient la clause grand-père, ceux qui sont déjà employés ne seraient pas touchés, mais ceux qui veulent être embauchés seraient écartés.

« En résumé, cela nous amène plus en arrière qu'en avant », lance l'ancien coprésident de la commission Bouchard-Taylor.

Il souligne aussi que les organismes pourraient avoir une préférence pour les employés qui ne portent pas de signes religieux. « Comment cela va s'appliquer concrètement ? Ceux qui portent un signe seront montrés du doigt, seront découragés. C'est encore une atteinte à leurs droits, cette espèce d'ostracisme subtil ! »

Sur son projet de « concordance culturelle », M. Lisée demande aux immigrants de faire plus d'efforts pour s'intégrer que le groupe majoritaire. « Comment cela se traduit ? Les immigrants qui souffrent de discrimination, qui vivent un sous-emploi considérable, ils sont où ? C'est parce qu'ils n'en font pas assez ? La formule est étrange et soulève un malaise ! »

M. Bouchard prône quant à lui « l'interculturalisme », qui recherche l'équilibre entre la satisfaction des attentes légitimes de la majorité francophone et le respect des droits de la minorité, « sur fond de respect non négociable des valeurs fondamentales de notre société, de notre charte », résume M. Bouchard. Il n'est pas contre l'idée de confier au Vérificateur général le soin de déterminer le nombre d'immigrants que recevrait le Québec annuellement, mais ce mandataire de l'Assemblée nationale devrait pouvoir disposer des informations nécessaires pour prendre position.