Même si tout le monde reconnaît que le droit de la famille appliqué au Québec ne correspond plus à la réalité sociale actuelle, la situation n'est pas près de changer.

Car la réforme du droit de la famille telle que proposée l'an dernier par un groupe d'experts semble trop ambitieuse pour le gouvernement Couillard.

Le rapport du comité d'experts dirigé par Alain Roy, professeur de droit à l'Université de Montréal, une brique de plus de 600 pages accompagnée de 82 recommandations, dort sur une tablette depuis juin 2015 et risque d'y demeurer encore longtemps.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a confirmé mardi que le gouvernement n'était pas prêt à aller de l'avant avec un nouvel encadrement législatif des relations familiales, surtout pas à des modifications aussi importantes du Code civil que celles suggérées par ces experts.

Dans un dossier aussi délicat sur le plan social, la ministre Vallée privilégie la prudence.

«C'est certain qu'on va y aller de façon plus consensuelle. On va travailler à ne pas polariser les gens», a-t-elle indiqué lors d'un point de presse.

Le gouvernement poursuit donc sa «grande réflexion» sur le sujet, pour un temps indéterminé, laissant de côté les appels pressants de l'opposition pour qu'il mène une consultation sur le rapport Roy, qui serait le prélude au dépôt d'un projet de loi devant actualiser le droit de la famille et modifier le Code civil.

Mme Vallée a aussi dit qu'il fallait tenir compte d'autres rapports, pas seulement celui de Me Alain Roy.

Pourtant, la société québécoise ne peut plus attendre, ont dit en choeur l'opposition officielle et la Coalition avenir Québec, réclamant mardi matin une commission parlementaire chargée de débloquer le dossier.

En conférence de presse mardi, la porte-parole péquiste, Véronique Hivon, a revendiqué la création d'une commission parlementaire non partisane, dont le mandat serait de mener une consultation sur les recommandations du rapport.

Une motion a été présentée en ce sens en Chambre par la députée, mais le gouvernement a refusé qu'elle soit étudiée.

Conformément à l'esprit du rapport Roy, Mme Hivon a fait valoir qu'il était nécessaire, notamment, de clarifier sur le plan législatif la portée du mariage et des unions de fait quant aux droits des enfants, ceux des adultes vivant au sein de familles recomposées, de même que ceux des enfants nés de mères porteuses.

Selon elle, le gouvernement a fait la preuve qu'il n'avait pas le courage de procéder à cette réforme «essentielle et urgente» et que les parlementaires devaient désormais se saisir du dossier. Sinon, les élus «abdiquent leurs responsabilités» et laissent les tribunaux redessiner à leur guise le droit de la famille, selon elle.

Le rapport Roy part de la prémisse que l'enfant doit être au coeur du nouveau droit de la famille.

Les lois régissant les unions de fait et les mariages devraient donc être revues en fonction de lui, en protégeant d'abord ses intérêts.

Il indique notamment que les obligations mutuelles des conjoints de fait doivent être changées dès le moment où ceux-ci deviennent des parents, et qu'ils doivent accepter certaines contraintes en cas de rupture.

Ainsi, une des recommandations vise à forcer un conjoint à verser une «prestation compensatoire» à son ex-conjoint qui aurait mis sa carrière en veilleuse pour éduquer les enfants du couple.

La plupart des enfants québécois (environ 60 pour cent) naissent désormais de parents non mariés.

Il suggère aussi de revoir les règles de filiation et d'offrir aux couples mariés la possibilité de se soustraire d'un commun accord au partage à parts égales du patrimoine familial lors du divorce.

Ce comité d'experts avait été mis sur pied par le gouvernement Marois en avril 2013, dans la foulée du jugement dans la cause des conjoints de fait Lola contre Éric, qui s'était rendue jusqu'en Cour suprême.

Le droit familial québécois n'a pas été révisé depuis 1980.