La réussite de l'exploration pétrolière dans l'île d'Anticosti a été une priorité jusqu'aux plus hauts échelons du gouvernement Marois. Lors d'une rencontre secrète qui s'est tenue une semaine avant la dernière élection, des hauts fonctionnaires et les promoteurs ont convenu d'un plan pour éviter les « erreurs » commises dans le dossier du gaz de schiste.

Le 1er avril 2014, la campagne électorale bat son plein. Nous sommes à six jours de la victoire du Parti libéral de Philippe Couillard. Loin des projecteurs, une rencontre se déroule dans l'édifice Honoré-Mercier de l'Assemblée nationale, qui abrite les bureaux du premier ministre.

Le plus haut fonctionnaire du gouvernement, Jean St-Gelais, est dans la salle. Idem pour Éric Ducharme, sous-ministre associé aux Finances et à l'Économie, Clément d'Astous, sous-ministre à l'Environnement, Christyne Tremblay, sous-ministre à l'Énergie et aux Ressources naturelles. Le patron d'Investissement Québec Mario Albert prend également part à cette réunion.

Parmi les entreprises qui se trouvent autour de la table, on trouve les partenaires de Québec dans la coentreprise Hydrocarbures Anticosti - Pétrolia, Corridor Resources, Maurel & Prom. Le président de Junex est aussi présent. Tout comme un haut dirigeant de la Banque Nationale, qui agit comme conseiller financier pour deux entreprises partenaires du gouvernement.

L'ordre du jour de la rencontre, que La Presse a obtenu, révèle qu'on a élaboré un plan ambitieux pour assurer le succès du projet Anticosti. On souhaite « apprendre de l'expérience des gaz de schiste, ne pas répéter les mêmes erreurs ».

Le ministère du Conseil exécutif - le ministère du premier ministre - est ainsi chargé d'élaborer une « stratégie de communication » pour informer la population, les Premières Nations et les promoteurs des développements du projet. Ce plan vise à « assurer l'adhésion des communautés locales et autochtones au projet ».

« Planifier une communication franche et scientifiquement crédible pour éviter tout dérapage et assurer la concertation des messages », telle est la visée du plan.

GUICHET UNIQUE

Québec s'engage par ailleurs à mettre sur pied un « guichet unique » sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles. Il s'agit d'un point de contact pour les promoteurs afin de les accompagner dans leurs démarches - notamment pour l'obtention de permis et de certificats d'autorisation.

Ce guichet unique permet également d'harmoniser le projet d'exploration avec les autres utilisateurs de l'île d'Anticosti, notamment les autochtones, les autorités municipales, les sociétés forestières et la SEPAQ, qui gère le parc provincial.

Un « comité d'acceptabilité sociale » est chargé d'agir comme pivot entre les promoteurs et la population.

NOUVEAU GOUVERNEMENT

Le contexte électoral n'échappe pas aux fonctionnaires et aux gens d'affaires qui se trouvent dans la salle. Or, l'élection possible d'un nouveau gouvernement ne semble pas les préoccuper outre mesure.

« Les présentes discussions vont enrichir le plan de match présenté au nouveau gouvernement », peut-on lire dans le document.

Comme chef de l'opposition, Philippe Couillard a accusé le gouvernement Marois de jouer « à la loterie » avec l'argent des contribuables en engageant des fonds publics dans la coentreprise Hydrocarbures Anticosti. Mais sur le fond, il se disait favorable au développement de la filière pétrolière québécoise.

Élu au scrutin du 7 avril 2014, le gouvernement libéral a d'abord poursuivi l'exploration pétrolière à Anticosti. Des sondages stratigraphiques ont eu lieu l'an dernier. Mais le premier ministre a fait volte-face lors de la conférence de Paris sur les changements climatiques, l'automne dernier.

Depuis, Pétrolia, l'opérateur d'Hydrocarbures Anticosti, accuse Québec de mettre des bâtons dans les roues du projet. Le président Alexandre Gagnon a démissionné de son rôle de porte-parole de la coentreprise, vendredi dernier, accusant le gouvernement Couillard de multiplier les « patentes à gosses » pour miner le projet.

La demande de certificat d'autorisation pour forer trois puits par fracturation hydraulique est bloquée au ministère de l'Environnement depuis février. Québec a soumis son analyse à un comité externe, une procédure inhabituelle.