Alors que la liberté d'expression s'est retrouvée sous les projecteurs au Gala Les Olivier, la députée péquiste Agnès Maltais demande aussi à Québec de la protéger en retirant son projet de loi sur le discours haineux.

Le Parti québécois (PQ) craint que le projet de loi 59 ait pour effet de bâillonner l'opinion de certains groupes, de critiques ou de commentateurs.

La députée rappelle qu'un numéro d'humour a été censuré et écarté du gala de dimanche soir et a suscité une grande mobilisation des humoristes envers la liberté d'expression.

«Il s'agit d'un avant-goût amer du sort réservé au débat public si le projet de loi 59 était adopté», a lancé d'entrée de jeu Mme Maltais, mardi, en point de presse.

Le projet prévoit l'interdiction de tenir ou de diffuser publiquement des discours haineux ou incitant à la violence qui visent un groupe de personnes spécifiques, comme une communauté ethnique ou religieuse.

Le projet de loi conférerait également des pouvoirs d'enquête et d'intervention à la Commission des droits de la personne, qui pourrait recevoir des plaintes, de façon confidentielle de toute personne - même si elle n'est pas visée directement par le discours, a expliqué la députée, qui n'en est pas à ses premières attaques contre le projet de loi, déposé en juin 2015.

Cette confidentialité favorisera l'activisme judiciaire et la multiplication des recours, juge-t-elle.

«Il s'agit d'un élargissement considérable du concept de diffamation», réitère Mme Maltais, et «le projet de loi, d'après nous aussi, ouvrira la porte à une judiciarisation extrême du débat public.»

«Le Parti libéral nous propose un régime de police de la pensée», déplore-t-elle.

Mais la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a déclaré peu après la sortie de Mme Maltais que pour le moment, «ce n'est pas dans l'objectif de le retirer».

Elle n'a pas non plus l'intention d'imposer le bâillon pour accélérer l'adoption du projet de loi. Il s'agit quand même d'un projet sur la liberté d'expression, a-t-elle relevé.

Avec tout ce qui s'est passé en lien avec le Gala des Olivier, Mme Vallée n'a pas été surprise du point de presse de la députée péquiste.

«Je me suis dit, Agnès va en profiter pour faire une belle sortie médiatique. C'est ce qu'elle a fait», a commenté Mme Vallée, accusant sa collègue de l'Assemblée de politiser le débat.

La ministre tient à préciser que le projet de loi 59 vise les «discours extrêmes, qui va marginaliser des groupes» et que cela n'a rien à voir avec la satire et les numéros d'humoristes tels que vus au gala.

Le projet de loi s'inscrit, selon la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, dans un contexte de lutte contre la radicalisation.

Mme Maltais, la porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité, affirme que des protections sont déjà prévues au Code criminel.

Elle enjoint le gouvernement à mettre ses efforts sur le combat contre la radicalisation sans s'attaquer à la liberté d'expression.

Selon elle, le projet de loi risque d'avoir un autre effet pervers, celui d'inonder de plaintes frivoles le bureau de la Commission des droits de la personne.

Le PQ avait déjà demandé au gouvernement de scinder le projet de loi, en août 2015, n'ayant en principe pas d'objection à la portion portant sur un tout autre sujet, soit sur les mariages forcés.

Mais devant le refus du gouvernement, la députée demande désormais son retrait pur et simple de l'agenda législatif.

Le projet de loi est actuellement à l'étude en commission parlementaire. Mme Maltais dit y faire de «l'obstruction intelligente» pour retarder le processus.