Le gouvernement Couillard doit trancher aujourd'hui sur l'encadrement qu'il entend donner à l'industrie du taxi. Et le projet de loi que soumet Jacques Daoust à ses collègues du Conseil des ministres sonnera le glas des activités d'Uber au Québec.

Selon les informations obtenues par La Presse de sources gouvernementales, M. Daoust propose une loi où tous les chauffeurs sont considérés comme des taxis. Les chauffeurs d'Uber seraient tenus de payer des frais importants avant de pouvoir prendre le volant, un élément susceptible de les dissuader de le faire. En outre, même si le gouvernement ne voudra pas parler de «quotas», le nombre de voitures d'Uber serait contingenté, ce qui, encore une fois, est incompatible avec le modèle mis de l'avant par la multinationale.

«Le projet sur la table va interdire le modèle alternatif», confient des sources au gouvernement, déplorant que Montréal soit le seul endroit en Amérique du Nord où le modèle d'affaire d'Uber ne pourra fonctionner - hormis Calgary, d'où l'entreprise a décidé de se retirer. Québec relègue manifestement aux oubliettes le rapport d'un comité où les fonctionnaires du conseil exécutif, des Finances, des Transports et de l'Agence du revenu étaient représentés.

La décision doit être prise aujourd'hui pour que le projet de loi soit prêt pour un dépôt la semaine prochaine à l'Assemblée nationale et adopté sans trop d'embûches avant l'été. Un comité ministériel se tiendra plus tôt en matinée pour préparer le terrain. La semaine dernière, ce même comité avait échoué à prendre une décision.

Pertes de 75 millions 

Comme l'a maintes fois promis Jacques Daoust, le nouveau régime forcera tous les chauffeurs, sans exception, à verser la TPS et la TVQ sur les courses. Québec veut faire installer des «modules d'enregistrement des ventes» (MEV), des «mouchards», dans tous les taxis conventionnels. Quant aux plateformes numériques comme celle d'Uber, elles devraient être modifiées pour percevoir aussi les deux taxes. Québec estime qu'environ 75 millions de taxes lui échappent chaque année sur les activités du taxi traditionnel. 

Par rapport à son projet de la semaine dernière, le ministre Daoust a été contraint d'abandonner son intention de racheter des permis existants. Il envisageait de racheter les 8500 permis existants sur une douzaine d'années, mais les règles comptables auraient exigé que les coûts, faramineux, soient imputés cette année aux dépenses du gouvernement.

Le ministère des Transports pourra délivrer de nouveaux permis, à sa discrétion, en plus de ceux existants, qui pourront être achetés par les chauffeurs d'Uber, par « blocs d'heures de permis » - une formule similaire à celle de Téo Taxi, qui loue des permis à 300 $ par semaine, une solution encore là incompatible avec le modèle d'Uber.

Contraintes à l'entrée

Jacques Daoust était déterminé à ne pas se faire humilier dans cet exercice où il avait très tôt campé sa position, explique-t-on. En marge d'une annonce, il y a quelques jours, il avait confié aux participants vouloir «mettre Uber au pas» avec l'appui de Philippe Couillard. Au début, M. Couillard semblait plutôt favorable à Uber, mais il semblait moins convaincu plus récemment. Dans l'ensemble, le gouvernement estime que les appuis d'Uber, dans la population comme au caucus des députés, sont moins importants que prévu. Ainsi, le projet de loi soumis aujourd'hui sera plutôt «coercitif», confie-t-on. L'aile jeunesse du PLQ s'est prononcée la semaine dernière en faveur d'Uber.

Tous les chauffeurs d'Uber auront besoin d'avoir un permis de classe 4 C et une licence de taxi, qui suppose des examens de la vue supplémentaires. L'accès au permis rendu plus difficile et coûteux dissuadera bien des chauffeurs occasionnels. Surtout, on déterminera un nombre fixe de voitures, une limite incompatible avec le modèle d'Uber, pour qui l'offre doit augmenter avec la demande - actuellement, le nombre de chauffeurs passe du simple au quadruple en fonction du jour et de l'heure.

Avec le projet de loi suggéré, les chauffeurs d'Uber ne seront plus considérés comme des travailleurs autonomes. Ils devraient appliquer les taxes sur chaque dollar de recette. Actuellement, en tant que travailleurs autonomes, ils n'ont pas à s'occuper des taxes tant que leur revenu ne dépasse pas 30 000 $. Cela suppose des discussions avec Ottawa pour le changement de statut. Les deux taxes constituent le plus gros de l'écart entre les tarifs des deux groupes de chauffeurs.