Le président du Conseil du trésor, Sam Hamad, a confirmé jeudi avoir eu des échanges avec Marc-Yvan Côté au sujet d'une subvention à une entreprise dont l'ex-ministre libéral était administrateur. Mais il a nié avec véhémence s'être immiscé dans le processus d'attribution de cette aide à la société Premier Tech.

Une série de courriels révélés par Radio-Canada semblent indiquer que M. Hamad a fourni des informations privilégiées à M. Côté alors que celui-ci siégeait au conseil d'administration de Premier Tech. Il aurait aussi effectué des démarches pour aider cette entreprise de produits d'horticulture à obtenir une subvention.

Aucun des messages n'est écrit par M. Hamad lui-même.

En entrevue avec La Presse, le ministre a souligné qu'il est parfaitement normal pour un élu de se renseigner sur un dossier qui est à l'étude au gouvernement. C'est précisément ce qu'il a fait pour Premier Tech, a-t-il dit.

« Tout ce que M. Côté a demandé, ce que j'ai fait, c'est un suivi du dossier, comme tout le monde le fait avec nous, a-t-il dit. Même les députés nous demandent où sont rendus les dossiers. C'est notre travail d'élus. »

M. Hamad était ministre du Travail, puis du Développement économique, lorsque l'entreprise de Rivière-du-Loup a tenté d'obtenir des subventions de Québec à deux reprises. Il nie catégoriquement avoir communiqué des renseignements confidentiels à son ancien collègue chez Roche à cette occasion. Et il se défend d'avoir tenté d'influencer la décision des fonctionnaires qui se sont penchés sur le dossier.

« La frontière, elle est là : on n'intervient pas dans la décision des ministères et des fonctionnaires d'Investissement Québec, a-t-il dit. On fait le suivi pour savoir le dossier, il est rendu où. C'est exactement ce que j'ai fait et tous mes collègues font la même chose. »

DES CONTACTS « OCCASIONNELS »

M. Hamad, qui a dirigé plusieurs ministères de 2003 à 2012 et depuis 2014, dit avoir parlé « occasionnellement » à Marc-Yvan Côté alors qu'il siégeait au Conseil des ministres, mais qu'aucun autre projet n'a été discuté avec lui.

Quant au fait que M. Côté n'était pas inscrit au registre des lobbyistes, cela ne change rien aux yeux de M. Hamad.

« Ce n'est pas à moi de faire la vérification pour savoir s'il est inscrit au registre des lobbyistes ou non, a dit le ministre. Tout le monde qui nous voit, c'est leur devoir à eux d'aller s'inscrire au registre des lobbyistes. Ce n'est pas mon problème à moi. »

Les messages dévoilent par ailleurs que M. Côté, un ancien ministre libéral, aurait incité les dirigeants de Premier Tech à participer au financement politique de M. Hamad. Dans un courriel daté de 2008, M. Côté évoque la nécessité de faire une « contribution significative ».

Selon Radio-Canada, des dirigeants et administrateurs de Premier Tech et des membres de leurs familles ont versé plus de 20 000 $ au Parti libéral du Québec de 2008 à 2012.

Dans un communiqué diffusé jeudi soir, Premier Tech a assuré qu'elle « respecte les règles entourant le lobbying », et que les contributions politiques faites par ses dirigeants et leurs familles respectent la loi.

SUSPENSION RÉCLAMÉE

Après la diffusion du reportage, jeudi soir, la Coalition avenir Québec et le Parti québécois ont tour à tour sommé Philippe Couillard de suspendre M. Hamad du Conseil des ministres, le temps que le commissaire à l'éthique et l'UPAC enquêtent sur ses agissements allégués.

« Pour préserver l'intégrité et l'image d'intégrité de ce gouvernement, on pense que le premier ministre doit retirer M. Hamad du Conseil des ministres, a affirmé le député caquiste Éric Caire. C'est le minimum. »

Le député de Québec solidaire Amir Khadir a pour sa part exigé la démission du président du Conseil du trésor.

Marc-Yvan Côté a été arrêté lors d'une opération de l'UPAC il y a deux semaines. Il est accusé de fraude et de corruption pour son rôle dans le financement illégal de partis politiques par la firme Roche.

Il a été président de cette firme de génie-conseil de 1994 à 2005. Il avait dirigé le ministère des Transports, puis celui de la Santé dans le gouvernement libéral de Robert Bourassa, de 1985 à 1994.

M. Hamad connaissait bien M. Côté avant d'accéder au Conseil des ministres. Il était vice-président principal de Roche entre 1998 et 2003.