Le gouvernement Couillard avait bien besoin d'une bonne nouvelle. Il en aura une au budget de jeudi : contre toute attente, il commencera dès 2016 à réduire la taxe santé, a appris La Presse. Jusqu'ici, Québec avait un plan de réduction sur trois ans de sa « contribution santé », qui débutait en 2017 et allait jusqu'en 2019.C'est une réduction d'impôt de 100 $ pour 2 millions de contribuables moins fortunés pour l'année en cours. Et 2 autres millions de Québécois auront aussi eu un allègement de 75 $ de leur fardeau fiscal quand ils rempliront leur déclaration au printemps 2017.

La première année de réduction est la plus ambitieuse : Québec se prive de 375 millions de recettes. L'année suivante, on supprime une autre tranche de 174 millions, et on finit, dans le plan de match original, en 2019-2020 avec une dernière portion de 195 millions. En trois ans, 774 millions de recettes annuelles étaient supprimées. En devançant d'un an, Québec ramène à 2018 la dernière année de cette mesure, qu'il avait promis d'abolir durant son mandat - les prochaines élections sont en octobre 2018.

Selon les informations colligées de plusieurs sources, Québec a pris cette décision surtout à l'instigation du premier ministre Couillard. Le Conseil des ministres était partagé, certains plaidaient qu'il valait mieux y aller de baisses d'impôt distinctes et conserver l'échéancier prévu sur la taxe santé. Mais donner ainsi, des deux côtés à la fois, à compter de 2017 a suscité des inquiétudes, qui l'ont finalement emporté. Les opposants faisaient aussi valoir qu'avec cette mesure, Québec n'avait plus d'argent pour faire autre chose.

C'était motus et bouche cousue dans l'appareil gouvernemental à ce sujet, surtout tant que les négociations du secteur public n'étaient pas conclues. Pas question de faire savoir que le ministre Leitao avait en poche un coussin de 375 millions qui aurait fait saliver les centrales syndicales.

Dans la stratégie budgétaire, on conservait cette cartouche précieusement avec l'espoir de secouer l'opinion publique - le remaniement ministériel a manifestement fait long feu. En 1998, le ministre des Finances Bernard Landry avait frappé un coup de circuit en devançant, d'un an lui aussi, l'atteinte du déficit zéro.

Joint par La Presse en fin de semaine, l'entourage de Philippe Couillard niait que le prochain budget contiendrait des baisses d'impôts pour les particuliers. Pourtant, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, le premier ministre Couillard avait laissé entendre le contraire. « L'action de notre gouvernement vise à réduire le fardeau fiscal des familles, notamment par l'abolition de la taxe santé, et c'est un allègement très important dans le portefeuille des contribuables », avait-il soutenu. Il est allé plus loin dans son discours, vendredi, à Montréal.

PROGRESSION

Le devancement de la réduction aura un impact quand les contribuables rempliront leur déclaration de revenus au printemps 2017. Selon les chiffres du dernier budget, c'est 2,1 millions de contribuables - ceux qui gagnent entre 19 000 $ et 42 000 $ - qui n'auront pas à payer 100 $ pour la contribution santé. Ceux qui gagnent moins de 19 000 $ n'en paient déjà pas.

Pour les revenus plus élevés - entre 42 000 $ et 137 000 $ -, la taxe santé passera de 200 $ à 125 $ pour 2016. Encore là, 2,2 millions de contribuables bénéficient un an plus tôt d'une réduction de 75 $. Pour les individus qui gagnent plus de 137 250 $, la contribution santé de 1000 $ actuellement passera à 800 $ - ici, 150 000 personnes sont touchées selon le budget de 2015.

Pour l'année suivante, soit l'année d'imposition 2018, les revenus de moins de 42 000 $ ne paient plus cette contribution. Ceux qui ont des revenus entre 42 000 $ et 137 000 $ paieront 80 $, et les plus fortunés, au-delà de 137 000 $, paieront 600 $. À compter de janvier 2019 - quand vous remplirez votre déclaration de revenus au printemps 2020 -, cette taxe santé sera chose du passé pour tous les revenus.

CONTROVERSE

Cette contribution santé soulève la controverse depuis son apparition dans le budget de 2010-2011. Le ministre Raymond Bachand avait alors annoncé la mise en place d'une taxe uniforme, sans égard au revenu, avec une croissance sur trois ans. Les contribuables payaient 25 $ en 2010, 100 $ en 2011. En 2012, tout le monde payait 200 $. La taxe servait à financer des établissements par l'entremise du Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux (FINESSS).

Durant la campagne électorale de l'été 2012, le Parti québécois de Pauline Marois s'est engagé à abolir cette taxe « régressive » qui ne tient pas compte des revenus. Mais une fois au pouvoir, le ministre des Finances Nicolas Marceau a rapidement constaté que le gouvernement ne pouvait se passer si rapidement de l'injection de près de 1 milliard généré par cette taxe. On a opté pour une application plus progressive, tenant compte des revenus, accompagnée d'une hausse d'impôt de 1,75 % pour les revenus excédant 100 000 $ par année. Avec la nouvelle formule, la taxe faisait entrer 734 millions par année dans les coffres, et l'impôt spécial, 414 millions. Durant la campagne électorale de 2014, le Parti libéral de Philippe Couillard a promis de faire disparaître progressivement cette taxe. Ce n'est qu'une fois élu qu'il avait fait savoir que la réduction ne débuterait qu'en 2017.