« Architecte du néant », « ignorante », « épileptique »... Le ministre de la Santé Gaétan Barrette n'est pas reconnu pour se montrer tendre à l'égard de la porte-parole de l'opposition en matière de santé, Diane Lamarre. Les choses se sont envenimées mercredi, après que le ministre l'a eu tenue responsable d'un « scandale des ristournes » à l'époque où elle présidait l'Ordre des pharmaciens du Québec. « Moi, j'appelle ça les ristournes Lamarre. Elle s'est servie dans le pot aux bonbons », a-t-il lancé. Qui est cette femme qui essuie les foudres du ministre Barrette ?

« Ça ne m'intimide pas, j'en ai vu d'autres dans ma vie. » Diane Lamarre est claire. Même si elle considère que les attaques personnelles répétées de Gaétan Barrette dépassent les bornes, elle ne se laissera pas démonter.

« Le ministre a conservé beaucoup de sa pensée qu'il oriente autour des médecins, et moi je dis qu'il faut orienter les décisions autour des patients et de leurs besoins, explique la députée péquiste de Taillon. Le ministre ne peut pas me blâmer. Je fais bien mon travail, mais il n'accepte pas la critique. [...] Je connais mon métier et ça le dérange. »

Diane Lamarre se définit comme une femme d'action qui veut des résultats et qui prend les moyens pour les obtenir. Née à Longueuil - où elle vit toujours et où elle est aujourd'hui députée -, elle commence l'école primaire avec un an d'avance, perd son père à l'âge de 16 ans, saute son 5e secondaire et fait des études universitaires tout en soutenant financièrement sa mère, son frère et sa soeur.

Reconnaissante d'avoir eu accès à une profession qui la passionne, elle se fait la promesse de mettre au centre de sa vie, au-delà de son rôle propre de pharmacienne, le partage de ses connaissances. Elle devient de fil en aiguille chroniqueuse pour de nombreuses émissions télé et cumule à ce jour plus d'un millier d'interventions au micro. Propriétaire d'une pharmacie à Saint-Lambert, la mère de trois enfants obtient une charge de cours, achève une maîtrise puis devient professeure titulaire de clinique à la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal.

« J'ai orienté mes recherches sur l'organisation des soins, sur une nouvelle façon de faire de la pharmacie au Québec [en impliquant le patient dans son traitement] », souligne celle qui a reçu en 2012 un doctorat honoris causa de l'Université Laval, pour son influence sur les soins pharmaceutiques au Québec et au Canada et pour son rayonnement à travers le monde (notamment pour ses missions humanitaires en Bosnie et au Kosovo).

PHARMACIENNE SANS FRONTIÈRES

En 1998, une ancienne étudiante a contacté Diane Lamarre. Elle voulait son aide pour reconstruire le système pharmaceutique de la Bosnie-Herzégovine, pays ravagé par la guerre trois ans plus tôt. Sans hésiter, Mme Lamarre a réservé un vol pour prendre part à cette mission dont elle sous-estimait complètement l'impact sur le reste de sa vie.

« Ç'a été extraordinaire comme expérience. En deux ans, on a réussi une réforme de la santé incroyable. Ça ouvre nos horizons et ça nous permet de comprendre beaucoup d'enjeux », explique la pharmacienne, qui a ensuite enchaîné des missions au Kosovo, en Ouganda, au Mali, en Moldavie et en Haïti. « Quand tu as des enfants qui meurent de déshydratation dans tes bras, ce sont des expériences qui te forment et qui t'aident à apprécier ce que tu as. »

Ses missions ne l'ont pas seulement menée dans des pays du tiers monde. Son rôle de présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec l'a par exemple conduite en Ontario ou au New Hampshire avec différentes délégations dont faisait souvent partie le Dr Gaétan Barrette.

« À l'époque, nos relations étaient cordiales, tout à fait correctes, a-t-elle expliqué. [Ces nombreuses missions] m'ont permis de faire une analyse importante d'autres systèmes de santé, des forces et des faiblesses de ce qui se fait ailleurs », a-t-elle ajouté.

DE PRÉSIDENTE À DÉPUTÉE

De 2009 à 2014, Diane Lamarre a été à la tête de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Durant sa présidence, en 2010, le gouvernement libéral a imposé aux pharmaciens un plafonnement des honoraires. Certains l'ont compensé en remettant des factures aux assureurs privés, qui, eux, haussaient les primes payées par les patients. Une pratique légale, que le ministre Barrette a ramenée dans l'actualité cette semaine en accusant son adversaire de « s'être servie dans le plat de bonbons » en tant que pharmacienne propriétaire.

« Il a accepté de dire qu'il était convaincu que j'étais intègre, mais ce qu'il a dit était très agressif », a soutenu la principale intéressée.

À titre de présidente de l'Ordre, la plus grande fierté de Mme Lamarre est d'avoir collaboré aux démarches visant à faire adopter la loi 41, loi qui a considérablement élargi l'éventail d'actes que peuvent pratiquer les pharmaciens, notamment le droit de prolonger certaines ordonnances. Mais elle voulait faire plus.

« Quand tu as vu comment c'est ailleurs, en Ouganda, où les gens marchent deux jours pour se rendre à l'hôpital, mais où, quand ils arrivent, ils sont pris en charge en 30 minutes... Ici, on se rend en 30 minutes, mais ça prend deux jours pour avoir des soins. » 

- Diane Lamarre, porte-parole de l'opposition officielle en matière de Santé

« Il faut travailler à réorganiser ce qu'on a ici au Québec », conclut celle qui est passée de présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec à candidate du Parti québécois.

« Mme Marois m'a téléphoné trois fois en une semaine. Je me suis dit que c'était peut-être l'occasion d'aller à l'Assemblée nationale pour influencer différentes politiques en matière de santé », a raconté celle qui a été élue en 2014.

En tant que porte-parole officielle en matière de santé, elle souhaite que le gouvernement s'attaque aux problèmes qui nuisent à la justice sociale, soit « développer de façon urgente les soins à domicile », « créer des portes d'entrée autres que l'urgence pour les soins de première ligne », « diminuer les surdiagnostics » et « favoriser le travail interdisciplinaire ».

« J'aimerais beaucoup consacrer mon temps et mon énergie à défendre l'intérêt des Québécois, plutôt qu'à me défendre moi », a conclu celle qui n'a pas l'intention de se laisser abattre par les commentaires personnels lancés à son égard par le ministre de la Santé.