La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, se réfugie désormais derrière son devoir de réserve sans clarifier la position du Québec sur le mariage.

Mitraillée de questions par les partis d'opposition à l'Assemblée nationale, mardi, elle soutient qu'elle a désormais la même position que le premier ministre sur cet enjeu. Toutefois, elle refuse de dire si la notion d'«union spirituelle» sera défendue par le Québec en Cour d'appel.

Dans une décision récente, la Cour supérieure a donné raison au ministère de la Justice et à la procureure générale Stéphanie Vallée, qui défendent une position singulière, selon laquelle un mariage religieux n'est pas nécessairement un mariage, mais peut être une «union spirituelle» sans conséquence, sans les obligations juridiques prévues par le Code civil. La Cour d'appel est saisie de l'affaire depuis la semaine dernière.

Le premier ministre Philippe Couillard lui-même a ensuite lancé un rappel à l'ordre, en désavouant cette position et en tentant de refermer cette brèche apparente dans l'ordre juridique québécois. Selon le premier ministre, un mariage est un mariage, et les époux doivent en connaître les conséquences.

Mardi, Mme Vallée a été bombardée d'une douzaine de questions par les porte-parole du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec qui lui ont demandé de rectifier le tir et clarifier la position du Québec, en vain.

«Est-ce que la procureure générale va plaider de nouveau devant la Cour d'appel qu'un mariage religieux peut ne pas faire l'objet d'une déclaration à l'état civil, ne pas provoquer d'effets, ou au contraire va-t-elle prendre ses responsabilités, plaider l'intégralité du respect de notre Code civil?» a demandé la députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon, lors de la période de questions mardi après-midi.

«Nous avons défendu et continuerons de défendre la constitutionnalité des articles de notre Code civil, a dit la ministre de la Justice. C'est ce que nous ferons. Quant au fond du dossier, vous comprendrez que je ne commenterai pas un dossier qui fait l'objet d'un appel.»

En point de presse avant la période de questions, la ministre a même refusé de préciser si le concept d'«union spirituelle» allait de nouveau être défendu par ses procureurs en Cour d'appel.

«Lorsque le mémoire sera déposé, ce sera de l'information qui sera publique et vous pourrez le lire», a-t-elle répondu.

Les partis d'opposition ont déploré le refus de la ministre de modifier sa position et d'énoncer ce que va défendre le Québec en Cour d'appel. Mme Hivon a rappelé que le concept d'«union spirituelle» n'existe nulle part en droit, ni même dans le jugement rendu.

La députée péquiste estime que la procureure générale a été non seulement «désavouée par l'ensemble de la communauté juridique, mais par son premier ministre». Elle s'inquiète de la confusion générée dans la communauté juridique, voire du différend entre Mme Vallée et M. Couillard.

La ministre de la Justice, a dit la députée péquiste, «ne semble pas du tout comprendre son rôle et les dangers de sa position, le recul pour la protection des époux et bien sûr des épouses dans les règles du mariage, tout ce qu'elle permet en fait, c'est l'instauration potentielle de régimes religieux parallèles. (...) Il semble y avoir une divergence importante entre le premier ministre et la procureure générale du Québec, ce qui n'est pas banal du tout».

Pour le porte-parole de la CAQ en matière de justice, Simon Jolin-Barrette, la position de la ministre de la Justice ouvre la porte à des «dérives complètes», sur la protection des femmes et de l'ordre public, et elle est incapable d'en mesurer les conséquences. Il lui reproche de ne pas donner des directives claires à ses procureurs pour défendre le Code civil par d'autres arguments.

«Elle pourrait dire: «Je l'ai échappé, cette fois-ci, je m'en excuse. Je vais protéger les Québécois, je vais protéger les Québécoises et je vais m'assurer de ne pas placer les individus dans une situation de vulnérabilité.» C'est ça qu'elle aurait dû faire aujourd'hui. Elle aurait dû simplement répondre à la question et dire: «Je vais suivre la voie qui a été tracée par le premier ministre parce que je me suis fourvoyée.'»

En vertu du Code civil, seul un célébrant religieux reconnu par le ministère de la Justice peut célébrer un mariage et il transmet ensuite la déclaration de mariage au Directeur de l'état civil. Le mariage comporte des droits et des obligations juridiques, notamment en matière de partage de patrimoine familial, etc.

Toutefois, dans la cause qui provoque actuellement la tourmente, Québec plaidait le fait que des «ministres du culte peuvent célébrer des mariages à portée uniquement religieuse» et les avocats du ministère ont reconnu que des représentants religieux peuvent faire des mariages sans avoir à transmettre une déclaration au Directeur de l'état civil.