Centrée sur une nécessaire «transition» vers une économie plus verte, la politique énergétique du gouvernement Couillard prévoit la mise en place d'un nouvel organisme, chargé de coordonner toutes les actions du gouvernement touchant l'efficacité énergétique et la lutte contre les changements climatiques.

«Transition énergétique Québec» (TEQ) - nom de travail attribué pour l'heure à cette nouvelle entité - relèvera du ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, et non du responsable de l'Environnement. Un bras de fer est en cours entre les deux ministères sur le contrôle de l'entité.

L'Environnement pourra commenter les orientations, «l'encadrera», mais le pouvoir restera à l'Énergie. C'est à cet organisme qu'on demandera de veiller à ce que le gouvernement atteigne ses cibles en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES).

La politique énergétique devrait être déposée en mars. Elle devait l'être en février, mais on a cru chez Philippe Couillard qu'il valait mieux éloigner cette annonce du débat autour de l'exploitation pétrolière à Anticosti, a appris La Presse. Aussi, le Conseil des ministres n'a pas donné son feu vert mercredi dernier comme prévu au document «Politique énergétique 2030: Le Québec engagé dans la transition énergétique».

Le gouvernement se penche actuellement sur un nouveau mode de fonctionnement pour le Fonds vert, qui est au centre de sa stratégie contre le réchauffement de la planète. Actuellement, pas moins de 11 ministères et organismes y ont accès. Une fois mis en place, c'est le TEQ qui aura à l'appliquer.

Rappelons que les déboires du Fonds vert avaient fait la manchette en début d'année. L'organisme qui recueille les fonds de la Bourse du carbone - l'argent versé par les entreprises qui dépassent leur quota d'émissions - avait engrangé 815 millions en 2015.

Or, l'argent s'était retrouvé dans le financement de projets hétéroclites, dont 800 000 $ à Air Canada pour ajouter des ailettes aux ailes des Boeing 767. Les producteurs de sirop d'érable ont eu des subventions pour leurs évaporateurs, et Orléans Express a reçu 500 000 $ quand il a annoncé la réduction de ses services en Gaspésie.

Philippe Couillard s'est engagé publiquement, au début du mois de février, à revoir la gestion du Fonds. «Il est clair que sa gouvernance doit être améliorée», avait-il promis, s'engageant à procéder à une réforme «profonde et très ferme», plus rigoureuse et transparente.

Les projets financés par le fonds devront être mieux définis et correspondre aux objectifs. Peu de temps après son élection, en juin 2014, le Commissaire au développement durable avait attaché le grelot et critiqué sévèrement le ministère de l'Environnement. Il reprenait ses critiques deux ans plus tard. Ce ministère n'a toujours pas «déterminé des objectifs précis, mesurables et axés sur les résultats» pour évaluer l'apport du Fonds vert à la lutte contre les changements climatiques.

L'essentiel du financement du TEQ viendra de ce Fonds vert. Il bénéficiera aussi d'un système de quote-part, utilisé pour gérer les contributions des distributeurs d'énergie - des sommes actuellement autorisées par la Régie de l'énergie. Cette dernière demeurera, mais son rôle sera un peu modifié.

Le financement du TEQ pourrait même se faire à partir d'émissions d'obligations «vertes», et avec le soutien du gouvernement pour des prêts à risque.

Le TEQ s'inspire, selon nos sources, d'expériences concluantes à l'étranger. Il aura le mandat de proposer un plan regroupant les activités des distributeurs d'énergie, les ministères et les organismes, ainsi que les budgets.

Ce plan devra être renouvelé tous les cinq ans.

Il aura la responsabilité de mettre en oeuvre le programme d'efficacité, de substitution et d'innovation énergétiques. On lui demandera aussi de coordonner les plans d'action sur les changements climatiques.

Il aura en outre le mandat de conseiller le gouvernement sur les normes et les règlements, les éléments pouvant influencer la consommation d'énergie et les émissions de GES des ménages et des entreprises, dont celles du gouvernement.

Son conseil d'administration sera formé d'experts recommandés par un comité indépendant, et non de représentants de groupes d'intérêts.

Il aura à mettre ensemble les intervenants pour en arriver à des consensus en matière de réduction de consommation d'énergie autour de ce qui s'appelle, dans le projet, une «table des parties prenantes». Cette instance remplacera les audiences toujours plus conflictuelles devant la Régie de l'énergie. En cas de désaccord au TEQ, la Régie pourra jouer son rôle habituel.

La Régie aura la responsabilité d'approuver les principales activités, notamment le plan d'évaluation et les budgets du «Plan» élaboré par le TEQ.

De plus, elle aura à se prononcer sur la capacité du projet à atteindre les cibles et sur le bien-fondé des budgets demandés.