La loi destinée à protéger les lanceurs d'alerte dans les organismes publics devrait avoir une portée plus générale. Le gouvernement devrait mettre les municipalités et des organismes privés sous cette loi.

C'est ce que sont venues dire hier la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, et la présidente de la Fédération professionnelle des journalistes, Lise Millette, à la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi 87, destiné à « faciliter la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics ».

Sam Hamad défend désormais ce projet comme nouveau président du Conseil du trésor, succédant à Martin Coiteux.

Dans leur témoignage, les dirigeants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, qui réclamaient depuis longtemps cette mesure, ne cachaient pas leur satisfaction, par ailleurs. « Ce projet de loi correspond à ce qui se fait de mieux dans le monde en fait de loi sur la divulgation d'actes répréhensibles », a observé Lucie Martineau, présidente du SFPQ.

Entre les mailles

Même s'il avait été adopté, le projet de loi 87 sur les divulgations d'actes répréhensibles dans les organismes publics n'aurait été d'aucune utilité pour mettre en lumière des situations inacceptables, estime la présidente de la Fédération professionnelle des journalistes, Lise Millette.

« Aujourd'hui, les lanceurs d'alerte ne sont pas protégés par l'État. Au contraire : ils sont traqués lorsqu'ils osent fournir des informations anonymes aux journalistes, sous prétexte qu'ils ont contrevenu à leurs obligations de loyauté en divulguant des informations sensibles », a souligné Mme Milette. 

« Loin d'y remédier, ce projet de loi passe à côté du problème et semble davantage viser à protéger l'image des institutions que l'intérêt du public. »

Mme Millette, qui paraissait hier devant la commission parlementaire des Finances, chargée de scruter le projet de loi, a relevé une série de situations qui, même avec la loi envisagée, seraient passées entre les mailles du filet.

Un projet de loi «cosmétique»

Le projet de loi prévoit une protection pour ceux qui dénoncent des actes présentant « un risque grave pour la santé ou la sécurité d'une personne ou pour l'environnement », a relevé Mme Millette. Or sur cette base, la commission Charbonneau n'aurait jamais eu lieu ; il n'y avait là aucun risque pour l'environnement. Par contre, les faits mis en évidence ont causé un tort important aux institutions et suscité un climat de méfiance dans la population, observe-t-on. Un ancien conseiller du sous-ministre des Transports, François Beaudry, avait puissamment contribué par ses révélations à freiner la collusion entre les entrepreneurs. Son évaluation du projet de loi 87 est sans appel : « cosmétique, presque inutile ».

Pour sa part, la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a recommandé que les municipalités soient assujetties à la loi. Elle préconise aussi qu'elle ne soit pas limitée au secteur public ; on devrait selon elle pouvoir dénoncer des gestes susceptibles de porter préjudice à des organismes publics. 

Le projet de loi prévoit même que le lanceur d'alerte devrait d'abord communiquer avec la police ou le commissaire à la lutte contre la corruption. Cette obligation vient judiciariser le processus, en assurant que les informations deviendront inaccessibles dès lors qu'elles sont transmises à la police.

Photo Olivier Jean, archives La Presse

Avec le projet de loi 87, Québec applique en partie seulement une recommandation de la commission Charbonneau visant à protéger les lanceurs d'alerte.