La résistance soudaine de certains députés devant la création d'un registre des armes à feu inquiète au plus haut point l'Association des policiers provinciaux (APPQ) et les militants pour le contrôle des armes à feu.

Quatre députés ont pris leurs distances vis-à-vis du projet de loi 64, déposé en décembre par le gouvernement Couillard. Et d'autres, surtout en régions rurales, subissent des pressions pour s'y opposer à leur tour.

« Ça m'inquiète et ça m'étonne », tranche Pierre Veilleux, président de l'APPQ, qui représente plus de 5000 agents syndiqués.

« Il va falloir que les députés comprennent que le projet de loi vise à servir 8 millions de personnes au Québec, pas 17 000 chasseurs », ajoute-t-il.

M. Veilleux reconnaît que l'immatriculation des armes d'épaule est impopulaire chez certains chasseurs. Mais selon lui, les députés doivent résister à leurs pressions.

« Des drames familiaux, ça n'arrive pas à coups de tapettes à mouches, illustre-t-il. C'est souvent des armes qui sont utilisées. Si on peut sauver une vie avec ça, peu importe le prix et le travail que ça peut représenter, je pense que le but sera atteint. »

Lorsqu'il a annoncé son projet de loi pour créer le registre, le ministre de la Sécurité publique, Pierre Moreau, était flanqué de représentants du Parti québécois, de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire.

Depuis, la députée indépendante Sylvie Roy a pris position contre le projet de loi. Les députés Véronyque Tremblay (PLQ), Pascal Bérubé (PQ) et Paul Busque (PLQ) ont également pris leurs distances.

La force des groupes de pression

C'est la première fois que le consensus politique québécois sur le contrôle des armes à feu s'effrite depuis la tuerie de Polytechnique, constate Heidi Rathjen, porte-parole du collectif PolySeSouvient. Elle craint que d'autres élus ne passent dans le camp des indécis, voire des opposants au projet de loi.

Elle y voit la preuve de l'efficacité de groupes de pression comme « Tous unis contre un registre québécois », qui organisera prochainement une manifestation devant le bureau de Véronyque Tremblay.

« C'est le résultat des circonstances où les opposants au contrôle des armes sont beaucoup mieux organisés », reconnaît Mme Rathjen. Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec sont favorables à la création d'un registre québécois, ont indiqué leurs porte-parole respectifs hier. Les deux formations comptent travailler à améliorer le projet de loi au cours des prochaines semaines.

En mars dernier, les élus de l'Assemblée nationale avaient appuyé à l'unanimité une motion pour dénoncer la destruction des données québécoises du registre fédéral des armes d'épaule.

Quatre députés réfractaires

Sylvie Roy (indépendante)

Seule élue à s'être formellement opposée au projet de loi 64. La députée d'Arthabaska craint que le registre des armes ne crée un faux sentiment de sécurité et ne devienne un gouffre financier.

Véronyque Tremblay (Parti libéral)

Elle a décrit le registre comme une « perte de temps » et une « perte d'argent » dans une chronique au Journal de Montréal avant son saut en politique. « Elle pense toujours la même chose », a indiqué son porte-parole hier.

Pascal Bérubé (Parti québécois)

Ce dernier a demandé de ne plus être porte-parole du Parti québécois sur ce dossier. Il a expliqué au Devoir que le nombre important de chasseurs dans sa circonscription, Matane-Matapédia, avait joué dans sa décision.

Paul Busque (Parti libéral)

Il a indiqué au Devoir qu'il est trop tôt pour déclarer s'il appuierait le projet de loi sur le registre des armes. Il a de plus invoqué le nombre élevé de chasseurs dans sa circonscription de Beauce-Sud.

Précision: une première version de ce texte présentait Paul Busque comme député de la Coalition avenir Québec. Il est plutôt député du Parti libéral.