L'explosion des coûts qui a miné le registre fédéral des armes d'épaule est « évitable », a affirmé Philippe Couillard, jeudi, alors que son gouvernement a déposé un projet de loi pour créer la version québécoise de ce programme.

Le gouvernement libéral calcule qu'il coûtera 17 millions pour mettre en place le nouveau registre québécois. À cela s'ajouteront des frais de 5 millions par année pour le maintien et la mise à jour.

Le premier ministre juge «crucial» que son gouvernement tire des leçons des erreurs commises lors de la création du registre fédéral en 1995. Le programme devait coûter moins de 5 millions à l'origine, mais la facture a explosé pour atteindre un milliard.

«L'important, c'est de bien contrôler les coûts de la mise en place, qui sont actuellement évalués entre 15 et 20 millions de dollars environ, a dit M. Couillard. Et par la suite, le coût annuel d'opération devrait être beaucoup plus bas.»

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a aboli le registre fédéral des armes d'épaule en 2012. La Cour suprême l'a autorisé à détruire les données du programme, mais, en juin, la Cour fédérale a ordonné à Ottawa de préserver les données québécoises.

Québec est actuellement en pourparlers avec le gouvernement Trudeau pour recueillir ce qu'il reste des données québécoises, a indiqué le ministre de la Sécurité publique, Pierre Moreau.

Gratuit

L'immatriculation des armes d'épaule au registre québécois sera gratuite et pourra se faire sur le web. M. Moreau a bon espoir que cela permettra d'atténuer la résistance des chasseurs, chez qui le projet fédéral était très impopulaire.

«S'il y avait de la résistance, elle serait plus idéologique que basée sur les arguments pratiques», a dit M. Moreau.

Si le projet de loi est adopté tel quel, les propriétaires d'armes d'épaule auront 12 mois pour s'inscrire au registre. La mesure ciblera les 1,6 million d'armes d'épaule en circulation dans la province, soit 94% du nombre total d'armes à feu.

La mise sur pied du registre québécois permettra d'éviter que des personnes à risque puissent garder en leur possession des armes à feu, a souligné M. Moreau. Mais il reconnaît que le programme aura moins d'impact que s'il était pancanadien, puisqu'il sera impossible de suivre le mouvement des armes entre les provinces.

Polytechnique

La création d'un registre québécois fait consensus à l'Assemblée nationale. M. Moreau était flanqué de députés du Parti québécois, de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire lorsqu'il a présenté son projet de loi.

Des témoins de la tuerie de Polytechnique étaient également présents à l'annonce. Heidi Rathjen, de l'organisme PolySeSouvient, s'est réjouie que Québec confirme son engagement à trois jours de l'anniversaire de la tragédie.

«À tous les anniversaires, on est au 26e, on fait toujours le bilan sur le contrôle des armes à feu, a dit Mme Rathjen. Et pendant les neuf dernières années, c'était toujours des mauvaises nouvelles, c'était des anniversaires extrêmement difficiles.»

«Pour la première fois depuis neuf ans, a-t-elle ajouté, cet anniversaire est extrêmement positif.»

«Pour nous, c'est une très bonne nouvelle, a renchéri Nathalie Provost, une ancienne étudiante de la Polytechnique. On recommence à être dans les classes des pays civilisés.»