Le Québec aura droit à un grand sommet sur l'alimentation au printemps prochain, a annoncé hier le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Pierre Paradis. Cette réflexion sur l'agriculture et l'alimentation sera menée avec les producteurs, mais aussi avec les consommateurs, qui sont, ultimement, ceux qui décident de ce qu'ils mettent dans leurs assiettes, a rappelé le ministre.

Pierre Paradis était présent au congrès annuel de l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) où il a été accueilli froidement par les agriculteurs.

Le président de l'UPA, Marcel Groleau, a d'ailleurs reçu cette nouvelle avec peu d'enthousiasme: les producteurs veulent plus. Ils ont déposé un manifeste, en collaboration avec le secteur de la transformation alimentaire, et demandent la création d'une stratégie québécoise de l'agroalimentaire. Ils réclament plus de reconnaissance pour l'agriculture québécoise.

L'accueil réservé à M. Paradis n'aura surpris personne.

La veille, le président de l'UPA avait égratigné le ministre lors de son discours d'ouverture, l'accusant de ne pas s'intéresser sérieusement aux problématiques des jeunes agriculteurs du Québec.

«M. Paradis n'a pas rencontré la Fédération de la relève agricole depuis qu'il est en poste. C'est dur, ça, et ce n'est pas anodin», a dit Marcel Groleau qui est déçu de la gestion du dossier de la relève en agriculture. Et qui, de toute évidence, n'est pas très satisfait du travail du ministre, en général.

En entrevue à La Presse, M. Groleau a précisé ses sentiments. «On a donné un certain temps à M. Paradis, explique l'agriculteur président de l'UPA. On comprend qu'il fait partie d'un gouvernement qui a une mission, celle de redresser les finances publiques, et que ça met de la pression sur tous les ministères. Au-delà de ça, je trouve que tous les dossiers prennent une dimension politique avec M. Paradis et que ça ne permet pas d'aborder les problèmes d'une façon pragmatique. Alors non, on ne peut pas dire que nous sommes satisfaits. Nous sommes toujours en attente sur plusieurs points.»

Les producteurs veulent notamment régler le problème de la main-d'oeuvre en agriculture et leur différend sur la gestion de l'assurance stabilisation.

Marcel Groleau déplore également que le ministre ne rencontre pas les professionnels de l'agriculture du Québec, y compris les gens de la transformation alimentaire.

Lui-même avoue avoir peu de contacts avec le ministre. «Comme organisation, c'est très difficile d'avoir des rencontres officielles, dit-il. On se parle au téléphone. On fait connaître nos points par lettres. Ce type d'interactions minimales avec des associations reconnues n'est pas très constructif.»

L'UPA accepte aussi difficilement que le ministre ait chargé Jean Pronovost de faire l'état des lieux en relève agricole. Ce même Jean Pronovost avait présidé la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois en 2008 dont deux des conclusions étaient qu'il fallait mettre fin au monopole de l'UPA et revoir le système d'assurance cher aux agriculteurs.

Pesticides

Autre déception: les producteurs québécois auraient voulu participer à l'élaboration de la Nouvelle stratégie québécoise sur les pesticides. «On ne peut pas être contre un meilleur usage des pesticides, avance Marcel Groleau. [...] Avant que M. Heurtel dévoile sa politique, j'avais demandé à M. Paradis de réunir le milieu agricole afin de voir comment nous pourrions réagir ensemble.»

Cela n'a pas été le cas: le plan gouvernemental a été présenté la semaine dernière par David Heurtel, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, et il exige que les agriculteurs revoient leurs façons de travailler avec certains pesticides.

Engagement du fédéral

La rencontre des agriculteurs se tient cette semaine à Québec en l'absence du nouveau ministre de l'Agriculture fédéral, Lawrence MacAuley, retenu à Ottawa par la reprise des travaux parlementaires.

Le président de l'UPA s'est toutefois entretenu avec le nouveau titulaire du Ministère mardi matin et en a profité pour lui rappeler l'une des promesses faites par son parti lors de la campagne électorale, celle de freiner l'entrée au pays des protéines laitières américaines. L'importation de ce produit a beaucoup augmenté au cours de la dernière année, contribuant à la chute du prix du lait payé à la ferme aux producteurs laitiers. Ce sont les industriels d'ici qui les achètent et les utilisent dans leurs recettes de fromages et de yogourts, privant les agriculteurs canadiens de revenus et les laissant pris avec des catégories de lait moins lucratives pour eux.

Le ministre MacAuley, ancien producteur laitier, s'est engagé à régler le problème.

«Il nous a dit qu'il sait que c'est urgent et qu'il allait s'en occuper.»

Son gouvernement devrait «reclassifier ce produit dans la bonne ligne tarifaire», explique Marcel Groleau. Il est vendu sous forme liquide, mais pas en tant que concentré de protéines laitières. Ce qui fait qu'il passe présentement à travers les maillons de la gestion de l'offre et entre au Canada en grandes quantités.