Le gouvernement Couillard mettrait sur la table 510 millions de dollars de plus dans l'espoir de s'entendre avec ses quelque 500 000 employés, a appris La Presse. Mais ces augmentations salariales seraient à géométrie variable: certains en toucheraient, d'autres, pas du tout. Des employés essuieraient même une perte de salaire, accuse la partie syndicale.

Les 510 millions s'ajouteraient au milliard prévu dans l'offre initiale, qui représentait une hausse de 3% en cinq ans.

Québec présentera aujourd'hui une nouvelle offre salariale à ses employés. Selon la partie syndicale, le gouvernement présenterait le résultat des discussions qui ont cours depuis des mois à la table centrale autour de la relativité salariale. Cet exercice vise à corriger des incohérences dans les échelles en comparant la valeur des emplois les uns par rapport aux autres selon des critères comme l'effort, la qualification, les responsabilités et les conditions de travail. Le gouvernement a décidé d'en faire un exercice très large, et le résultat serait majeur: toutes les échelles salariales seraient modifiées. On assisterait à la plus grande restructuration des salaires au gouvernement du Québec depuis la Révolution tranquille, de l'aveu même de la partie syndicale.

Québec veut faire le grand ménage dans sa structure salariale. Il ferait passer de 165 à seulement 28 le nombre d'échelles en vigueur. Les quelque 450 titres d'emploi au gouvernement du Québec seraient répartis au sein de ces 28 échelles.

Selon la plus récente rencontre de négociation à la table centrale, Québec chiffre à 510 millions de dollars les augmentations qui découleraient de l'exercice de relativité salariale.

Mais ces hausses ne seraient pas versées tout de suite: une première tranche de 270 millions serait versée en 2018, la seconde de 240 millions, en 2019.

Les augmentations ne seraient pas non plus de même valeur pour tous les employés. Elles varieraient en fonction des changements apportés à chacune des échelles salariales. Des travailleurs verraient leur taux horaire augmenter, alors que d'autres, non.

Chaque employé serait intégré à la nouvelle échelle salariale de la façon suivante: on le placerait à un échelon dont le taux horaire est égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il a à l'heure actuelle. De cette intégration découleraient des augmentations salariales plus ou moins élevées pour certains, alors que pour d'autres, il n'y aurait aucun changement.

Des taux revus à la baisse

La partie syndicale identifie toutefois des problèmes importants. Pour certains emplois, le taux horaire au sommet de l'échelle serait revu à la baisse. Environ 35 000 personnes subiraient une perte de salaire, comme des avocats des centres jeunesse, des agentes administratives du secteur de la santé, des physiothérapeutes et des conseillers en formation scolaire, selon des sources syndicales. Le Trésor présenterait un mécanisme répartissant cette baisse sur quelques années.

La Presse avait demandé plus tôt cette semaine au président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, s'il y aurait des «perdants» avec l'exercice de relativité salariale, si certains se retrouveraient avec un salaire moindre. «On veut régler des problèmes, on ne veut pas en créer», s'était-il contenté de répondre. Son cabinet n'a pas rappelé La Presse hier soir.

Dans le cas des infirmières, l'échelle salariale comporterait toujours 12 échelons, mais il y aurait des changements importants: le taux horaire des six premiers échelons serait revu à la baisse, alors qu'il serait en hausse pour les six derniers, selon des sources syndicales. Plusieurs infirmières actuellement en emploi auraient donc droit à des augmentations, plus ou moins importantes selon le cas. Mais celles qui seraient embauchées à l'avenir auraient droit à un salaire plus faible à l'entrée que ce qui avait cours jusqu'ici.

Ce ne serait pas la seule catégorie d'emplois où le phénomène se produirait, estime la partie syndicale. Elle conclut que le gouvernement dégagerait des économies au fil du temps avec cette restructuration des salaires. Elle avance le chiffre de 200 millions.

Dans le cas des enseignants du primaire et du secondaire, le Trésor voudrait créer une «règle d'exception», selon la partie syndicale. Il juge que le résultat de la relativité salariale mènerait à des augmentations importantes qu'il n'a pas les moyens de payer, ajoute-t-on. Les enseignants auraient donc droit à une part des hausses salariales de 510 millions, mais les augmentations seraient moindres que ce que prévoit le résultat de l'exercice de relativité salariale, toujours selon les sources syndicales.

Les paramètres de base prévus à l'offre initiale du gouvernement et s'appliquant à l'ensemble des employés de l'État resteraient les mêmes: un gel des salaires pour deux ans puis une hausse de 1% pour chacune des trois années suivantes.

Selon nos sources, les syndicats sont prêts à corriger des incohérences dans les échelles, mais ils veulent que les paramètres de base soient eux aussi bonifiés. La nouvelle proposition leur poserait aussi un problème dans la mesure où ils veulent éviter que des employés obtiennent des hausses salariales aux dépens d'autres employés. Ils appréhendent bien des débats à l'interne, alors que chacun voudra savoir s'il touche une petite ou une grosse part du gâteau ou encore s'il en est privé.