Le gouvernement du Québec devrait donner un grand coup de balai à la Société des alcools (SAQ), à l'Agence du revenu de même que dans la kyrielle de subventions aux entreprises, constate la commission sur la revue des programmes gouvernementaux présidée par l'ex-ministre Lucienne Robillard.

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, devant les députés libéraux réunis à huis clos hier, a brossé à grands traits un tableau du second rapport de la Commission qui doit être rendu public la semaine prochaine après un an de travail représentant 2 millions de dollars de budget.

Avant tout, le gouvernement compte rendre permanent ce mécanisme de révision des programmes. Un bureau sera créé au sein du Conseil du trésor et un nouveau comité ministériel sera formé, ce qui pérennisera l'exercice. Cette réflexion deviendra aussi incontournable que la loi interdisant les déficits ou que les contributions au Fonds des générations. Les questions de gouvernance et la pérennisation de la revue des programmes occupent une place prépondérante dans le rapport scindé en plusieurs volumes.

SAQ: un modèle à reconsidérer

Le gouvernement Couillard a reçu le document au début de l'été. Comme le révélait alors La Presse, la Commission relève un grave manque d'efficacité à la SAQ et recommande d'abord d'en reconsidérer le «modèle d'affaires», soit le monopole dont jouit actuellement la société d'État. Sans en faire une recommandation, il suggère des pistes pour contourner ce manque d'efficacité sans augmenter les prix pour les consommateurs.

Il importe que «le gouvernement protège ses revenus», insistent les auteurs du rapport. «Il suffirait de remplacer les dividendes par une augmentation de la taxe spécifique sur les boissons alcooliques vendues par la SAQ. Cette majoration n'aurait pas d'impact sur le prix de vente final puisqu'elle viendrait remplacer le dividende versé à l'actionnaire. Le gouvernement pourrait également introduire une taxe sur la consommation à taux particulier pour l'alcool, permettant ainsi au montant de la taxe de fluctuer en fonction du prix du produit vendu», poursuivent les auteurs.

Des chiffres embarrassants

Les chiffres relevés par la commission Robillard sont embarrassants pour la société d'État. Comparés à celles d'autres organismes semblables, les frais administratifs de la SAQ sont beaucoup plus élevés. Ainsi, pour la période 2010-2014, la SAQ avale 21% de ses ventes nettes en frais d'administration, le niveau le plus élevé avec celui de Terre-Neuve. Pour 2014, la LCBO (Régie des alcools de l'Ontario) demandait 16% en frais d'administration; ils représentaient 10% en Colombie-Britannique et 8% dans plusieurs États américains. On ne remet pas en question les relations de travail ni le nombre d'employés, mais la situation de monopole de la SAQ est visée comme source du problème.

Revenu Québec: tendance inquiétante

Revenu Québec est aussi dans la ligne de mire de la Commission. L'agence québécoise coûte de plus en plus cher à administrer et perçoit moins d'impôts année après année. Le questionnement pose rapidement un problème politique. Sans abdiquer son autonomie, Québec pourrait transférer certaines activités de perception au fédéral pour l'impôt des sociétés, suggère-t-on.

La performance de l'agence québécoise périclite, car les frais d'administration sont constamment en croissance, et les perspectives ne laissent pas prévoir de renversement de cette tendance. Comme l'Agence fédérale du revenu, Québec devrait exiger davantage des administrateurs du fisc.

En 2010, Revenu Québec faisait mieux que l'agence fédérale, mais cet écart favorable avait fondu rapidement en 2013-2014. En termes d'efficacité, Revenu Québec est maintenant sur un pied d'égalité avec l'agence fédérale en 2014. Revenu Canada devrait lui damer le pion à l'avenir, toutefois. Au cours des dernières années, le fisc québécois a dépensé chaque année davantage, au nom de la lutte contre l'évasion fiscale, alors que Revenu Canada a réduit ses dépenses, d'où un gain d'efficacité.

Coup de balai dans l'aide

Les programmes d'aide financière de toutes farines offerts par Québec mériteraient aussi un coup de balai pour mettre fin aux chevauchements. C'est près de 1 milliard (900 millions) que le gouvernement distribue chaque année aux entreprises, en aide directe ou indirecte.

L'argent passe par un écheveau de 84 programmes administrés par 12 ministères différents. Si l'on ajoute à cela l'aide indirecte, c'est plus de 500 organismes qui sont dispersés sur la ligne de feu. Les occasions de chevauchement sont nombreuses, sans compter que des programmes peuvent survivre même si leur raison d'être n'est plus évidente. Déjà au ministère de l'Économie, le ministre responsable, Jacques Daoust, a entamé un virage à 180 degrés sur l'assistance aux entreprises: des prises de participation remplacent de plus en plus les subventions.