L'Assemblée nationale a ouvert ses portes dimanche pour permettre aux citoyens de rendre un dernier hommage à l'ex-premier ministre Jacques Parizeau, l'un de ses plus illustres représentants.

Le cortège funèbre, avec à sa tête la veuve de M. Parizeau, Lisette Lapointe, est arrivé peu avant 10 h devant l'Assemblée nationale où le cercueil recouvert du fleurdelisé a été transporté jusqu'au Salon rouge, transformé en chapelle ardente.

Au terme de la journée, plus de 2000 personnes, dignitaires et citoyens, avaient défilé devant le cercueil et offert leurs condoléances à Mme Lapointe et aux membres de la famille Parizeau, notamment sa fille Isabelle de même que son frère, Robert.

Certains ont attendu près de deux heures pour entrer dans l'auguste enceinte du Salon rouge, alors que la file de visiteurs s'allongeait jusqu'à la fontaine de Tourny sur l'avenue Honoré-Mercier.

«C'est un monsieur tellement inspirant, a dit Gérald Gobeil, de Québec, arrivé avec un groupe d'amis dès 8 h.

«Il a porté le projet de l'indépendance, mais il ne faut pas oublier ce qu'il a fait, avec d'autres, pour la Révolution tranquille. Il ne faut pas oublier ce que nous étions avant l'arrivée de Parizeau et compagnie», a-t-il ajouté.

«Je tenais à rendre hommage à ce grand personnage, ce grand bâtisseur, a renchéri Khadija Said, une jeune femme dans la trentaine.

«Je ne l'ai pas connu, mais il a fait entrer le Québec dans la modernité et je crois que c'était très important de venir le saluer.»

Dans la file de citoyens, le policier à la retraite et ex-garde du corps de M. Parizeau, Victor Landry, attendait patiemment son tour pour entrer dans l'édifice.

«Il a été un modèle pour moi, un complice, a laissé tomber M. Landry, qui a veillé à la sécurité de M. Parizeau de 1988 à 1998. Il nous disait toujours: »moi, je fais de la politique, vous, vous faites votre travail, j'ai entièrement confiance en vous«. Jamais il ne faisait de commentaires (désobligeants) sur notre façon de travailler.»

Directeur de cabinet de René Levesque entre 1977 et 1984, Jean-Roch Boivin s'est pour sa part décrit comme un ami «presque intime» du défunt. Au début des années 1980, M. Parizeau traversait une période difficile et s'était confié, a raconté M. Boivin.

«Peu de gens le savent, mais c'était un homme assez seul, a relaté l'homme de 84 ans. Il m'a fait des confidences. Une fois, il m'a dit: »M. Boivin, ça fait du bien d'avoir un ami, je suis seul«. J'ai été pas mal surpris.»

Parmi les dignitaires, l'ex-premier ministre Lucien Bouchard a avoué être «frappé» par la reconnaissance exprimée par le public à l'endroit de M. Parizeau, surtout en cette période de grand cynisme envers la politique.

«C'est un retour des choses très significatif, M. Parizeau lui-même aurait été extrêmement touché par des témoignages comme ceux-là. La vie politique est dure et il l'a eu aussi dure que n'importe qui sinon plus, a dit la figure de proue du camp du Oui en 1995. C'est un geste de reconnaissance et il y a quelque chose d'apaisant là-dedans.»

De son côté, le chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau affichait un air grave, teinté d'émotion, après s'être recueilli sur le cercueil de «Monsieur».

En posant les jalons du Québec moderne avec des outils comme la Caisse de dépôt et la Société générale de financement, M. Parizeau a transmis un message «d'espoir» au peuple québécois, a soutenu le chef du PQ.

«Il a eu le courage de se tenir debout, a-t-il soulevé. Il a transmis un fort et très étendu message à l'effet que nous sommes capables de réussir.»

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a pour sa part estimé que la mise sur pied de la Caisse de dépôt et placement était le plus grand legs de M. Parizeau.

Parce qu'il leur a donné confiance en leurs moyens, les Québécois sont «tous des héritiers» de M. Parizeau, peu importe leurs convictions politiques, a-t-il fait valoir.

«Il nous a redonné la fierté, maintenant c'est à nous à inventer l'avenir et aujourd'hui, on doit lui dire un énorme merci pour ce qu'il a fait pour le Québec», a opiné le chef de la CAQ.

Peu de gens peuvent prétendre avoir réellement changé le Québec et Jacques Parizeau est de ce nombre restreint, a quant à lui affirmé le maire de Québec, Régis Labeaume.

«Dans notre société, il y a peu de politiciens, au terme de leur carrière ou de leur vie, dont on peut dire qu'ils ont fait la différence. Jacques Parizeau a fait une très grosse différence, a souligné le maire Labeaume. Il a amélioré collectivement notre niveau de vie, il nous a fait gagner des décennies, grâce à sa créativité et son intelligence.»

Le premier ministre Philippe Couillard s'est lui aussi rendu au Salon rouge pendant la journée, mais n'a pas jugé bon s'adresser aux journalistes, préférant retourner faire campagne en prévision des deux élections partielles de lundi.

Les funérailles d'État de Jacques Parizeau, décédé lundi dernier, auront lieu mardi en l'église Saint-Germain d'Outremont, à Montréal.