Les réactions se multiplient au lendemain du décès de l'ancien premier ministre du Québec Jacques Parizeau.

Les réactions:

«Je l'admirais beaucoup, autant intellectuellement que personnellement. Travailler avec monsieur Parizeau a toujours été stimulant intellectuellement. C'était très valorisant.» - Louise Beaudoin, ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales de 1994 à 1996



«Le meilleur hommage que l'on puisse lui rendre, c'est de continuer. Son oeuvre est inachevée, mais le chemin est tout tracé. Nous suivrons ses pas. [...] Vous êtes, pour toujours, un géant du Québec. Merci Monsieur Parizeau.» - Pierre Karl Péladeau, chef de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale

«Nous perdons aujourd'hui un grand bâtisseur et un homme dédié au Québec. Le premier ministre Parizeau s'est rapidement démarqué par sa détermination, son intelligence et son franc-parler, des traits de personnalité qu'il a conservés jusque dans ses derniers moments. Économiste de formation, il ne laissait personne indifférent. C'est notamment à cet homme de conviction, doué, fier et passionné que l'on doit la maîtrise de notre économie. Le Québec vit aujourd'hui un grand deuil.» - Philippe Couillard, premier ministre du Québec

«Très touchée, je garde de lui le souvenir d'un homme de conviction qui a consacré sa vie à la construction d'une nation québécoise forte, une nation vraiment libre de ses choix et de son destin. [...] Pour toutes celles et tout ceux qui croient dans notre avenir, pour tous les militants de l'indépendance, c'est un homme inspirant qui s'éteint. Pour ses proches, c'est un conjoint, un père ou un grand-père qui est perdu.» - Pauline Marois, ex-première ministre du Québec

«Passionné par l'idée qu'il se faisait de la capacité de l'État, et des hommes de pouvoir comme lui, de changer le réel. De le bousculer. De le transformer. De vivre assez longtemps pour en observer les effets. Lui qui était né dans un Montréal où l'économie était unilingue anglaise [...] Passionné par la politique. La grande. La politique publique. Les finances, oui. L'économie, bien sûr.» - Jean-François Lisée, ex-conseiller politique de Jacques Parizeau

«Le Québec est en deuil. Mes sympathies à nous tous et toutes. Un des grands bâtisseurs de notre modernité.» - Pierre Karl Péladeau, chef du Parti québécois

«J'ai toujours beaucoup aimé M. Parizeau, toujours eu des rapports très courtois avec lui. [...] Jamais de mesquinerie, jamais de partisanerie dans le sens plate du terme. Toujours axés sur le bien-être commun, sur la réussite du Québec, sur les grands objectifs.» - Mario Dumont, co-leader du camp du OUI en 1995

«Tout le Québec est en deuil. Jacques Parizeau a été un des grands bâtisseurs du Québec moderne, un libérateur de peuple.» - Mario Beaulieu, chef du Bloc québécois

«Au nom de tous les Canadiens, Laureen & moi offrons nos plus sincères condoléances à la famille et aux amis de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau.» - Stephen Harper, premier ministre du Canada

«Mes plus sincères condoléances à la famille de Jacques Parizeau, un homme avec un rare sens d'État.» - Thomas Mulcair, chef de l'Opposition officielle aux Communes

«J'offre mes sincères condoléances à la famille et aux proches de Jacques Parizeau à la suite de l'annonce de son décès.» - Justin Trudeau, chef du Parti libéral du Canada

Jacques Parizeau salué  comme un bâtisseur du Québec et un grand homme d'État

Jacques Parizeau a été l'un des acteurs de la construction du Québec moderne, un homme de convictions dont le projet de pays n'a cessé d'occuper ses pensées, selon l'ex-chef du Bloc québécois Gilles Duceppe.

M. Duceppe demandait encore l'avis ces derniers temps de l'ex-premier ministre péquiste du Québec, un «homme de grande réflexion» qui était encore actif en politique.

Il le savait malade, mais pas à ce point.

«On a beau le savoir, quand ça arrive, ça nous frappe», a-t-il dit en entrevue au sujet du décès du politicien, survenu lundi soir.

Jacques Parizeau ne se tenait pas très loin des débats qui agitaient le Québec, réapparaissant au fil des saisons politiques. M. Duceppe a rappelé que l'an dernier, l'ancien premier ministre a signé une lettre avec d'autres pour appuyer Pierre Karl Péladeau qui refusait de vendre ses actions de Québecor. Il a aussi participé aux travaux de la commission québécoise sur l'assurance-emploi que Gilles Duceppe a présidée en 2013.

Il relate que l'homme s'était minutieusement préparé pour ce travail, bardé de notes.

«C'était ça, l'homme: il se préparait du général au moindre détail», a-t-il dit.

«Il avait à la fois la rigueur du professeur émérite et la passion d'un jeune étudiant qui apprend», a résumé M. Duceppe en entrevue.

Travaillant pour moderniser le Québec, alors qu'il conseillait en coulisses les artisans de la Révolution tranquille, Jacques Parizeau a rapidement vu les limites qui étaient imposées à la province, et est devenu souverainiste à ce moment, a expliqué M. Duceppe.

Il rappelle que M. Parizeau a participé à la création de plusieurs outils cruciaux qui ont aidé le Québec à prospérer, notamment la Régie des rentes du Québec et la Caisse de dépôt, «le bas de laine des Québécois». Il s'est aussi démené pour dénicher le financement nécessaire à la nationalisation d'Hydro-Québec: devant le refus des financiers canadiens, M. Parizeau, loin de baisser les bras, a trouvé l'argent nécessaire à New York.

«Cet homme a été au centre de la construction du Québec moderne», conclut l'ex-leader bloquiste au sujet de son compagnon d'armes pour réaliser le projet souverainiste.

M. Parizeau avait aussi un grand courage, notamment celui d'avoir déclenché le référendum de 1995.

Ses qualités de rassembleur ont contribué à mener le projet d'indépendance plus près du but qu'il ne l'avait jamais été, estime M. Duceppe.

Questionné à savoir s'il parlait encore de la souveraineté, même lors de sa dernière année, M. Duceppe a été catégorique: «cela a toujours occupé ses pensées».

Un grand homme d'État

Le petit-fils de M. Parizeau a ajouté une note plus personnelle aux hommages qui fusent.

«Mon grand-père était un homme incroyable, il m'a beaucoup apporté, a écrit son petit-fils Hadrien, qui a suivi les traces de son aïeul au sein du mouvement indépendantiste. Les conseils qu'il m'a donnés, lors des inoubliables moments passés avec lui, continueront à me guider à jamais. Merci grand-papa.»

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a annoncé que les drapeaux de la ville de Montréal seraient en berne «par respect pour monsieur Parizeau». Il a qualifié l'ancien premier ministre de «l'un des grands serviteurs du Québec».

«On ne peut pas faire autrement que de respecter cet homme-là», a-t-il déclaré.

«On n'avait pas la même définition de la finalité du Québec», a souligné M. Coderre, autrefois député du Parti libéral du Canada et ancien ministre fédéral. «Mais il y allait à coups d'arguments, rappelle-t-il. Il fallait que tu sois prêt.»

Il a salué l'homme «qui avait une colonne vertébrale» et qui pouvait argumenter, sans mépris, sans rabaisser les autres.

Mario Dumont, ancien chef du parti Action démocratique du Québec, qui avait fait campagne aux côtés de Jacques Parizeau pour le référendum de 1995, a salué son «sens de l'État» et l'a qualifié de véritable «encyclopédie sur le Québec». De même, il a souligné ses «convictions profondes, son respect des humains et des institutions».

Par voie de communiqué, la Société Saint-Jean-Baptiste a aussi transmis ses hommages. Intitulé «Reposez en paix, Monsieur», le texte signé par le président général de la Société, Me Maxime Laporte, souligne «l'homme politique extraordinaire» qu'il aura été. «Il fut sans conteste l'un des plus importants bâtisseurs du Québec moderne, ce même Québec que certains politiciens ordinaires s'affairent aujourd'hui à démolir.»

Jean Charest décrit Jacques Parizeau comme un adversaire coriace et crédible

L'ancien premier ministre Jean Charest, qui a affronté Jacques Parizeau lors de la campagne référendaire de 1995, en garde le souvenir d'un adversaire coriace et solide.

Au cours d'une entrevue avec La Presse Canadienne, mardi, quelques heures après le décès de l'ancien premier ministre péquiste, M. Charest s'est rappelé de cette époque, l'épisode le plus intense de leur vie politique respective.

Lors du référendum sur l'avenir du Québec, en 1995, M. Parizeau «est un adversaire. C'est une équipe de trois de chaque côté. À ce moment-là, il faut savoir que la partie fédéraliste prend très au sérieux monsieur Parizeau. Il est respecté; il est pris au sérieux; il est même craint, parce qu'on le sait très déterminé dans son projet. Il y a Lucien Bouchard aussi; il y a Mario Dumont, qui est un grand talent de la politique. Alors on a vécu durant l'épisode du référendum l'expérience politique la plus intense qu'on ait vécu de nos vies. Ça a été très intense, très serré», s'est souvenu Jean Charest.

«L'enjeu était grand: l'avenir d'un pays et la volonté, pour certains, d'en créer un nouveau. On ne vit pas très souvent ce genre de débat. Donc, ça a été une bataille assez épique», a-t-il ajouté.

Dès le début de sa carrière comme grand serviteur de l'État, Jacques Parizeau s'est dévoué à la cause à laquelle il croyait: celle de voir les Québécois détenir les rênes de leur économie afin de mieux maîtriser leur avenir.

Ainsi, comme haut fonctionnaire, M. Parizeau a été «un acteur important et un des architectes du Québec moderne», conclut M. Charest. Il a fait une «contribution inégalée» à l'économie québécoise avec l'édification de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de la Régie des rentes du Québec et de la Société Générale de financement, entre autres, rappelle M. Charest.

Et lorsqu'il s'est fait élire, M. Parizeau est arrivé avec une solide réputation d'économiste qui le précédait. «En 1976, moi j'étais assez jeune; j'avais 18 ans. Et le souvenir que j'ai, c'est que Jacques Parizeau donne au gouvernement Lévesque sa crédibilité sur les enjeux économiques», se rappelle M. Charest.

L'engagement en politique de M. Parizeau a aussi été intense, relève M. Charest. «Il se présente en 1970; il est défait. Il revient en 1973; il est défait. Il revient une troisième fois. Son engagement n'était pas un engagement frivole. C'était un engagement réel, ancré dans ses convictions», en conclut-il.

Sur le plan de la personnalité, M. Charest retient de Jacques Parizeau qu'il était non seulement un «tacticien» intelligent, mais qu'il avait aussi «une qualité rare: la volonté de passer à l'action, de provoquer les événements, de les faire arriver».

L'ancien premier ministre du Canada Jean Chrétien a décrit M. Parizeau comme «un homme qui a marqué sa génération au Québec» et qui a tenu des «rôles importants toute sa vie».

M. Chrétien a salué la clarté du discours «séparatiste» de Jacques Parizeau, affirmant qu'avec lui au moins, il savait à quoi s'en tenir. Et, pour cette raison, chacun respectait l'autre, selon Jean Chrétien.

Jacques Parizeau «n'aimait pas beaucoup les mots inventés et les questions longues», a lancé M. Chrétien, faisant référence à la question posée lors du référendum et au concept de la souveraineté-association.

Parizeau, un «phare» pour tous ceux qui l'ont côtoyé de près

L'ancien premier ministre Bernard Landry a salué le dévouement et la détermination de Jacques Parizeau, quelques heures après son décès.

En entrevue téléphonique depuis Paris, mardi, M. Landry a relaté avoir vu M. Parizeau une semaine avant sa mort. Et même sur son lit de mort, dit-il, M. Parizeau lui a parlé de politique, pour lui dire qu'«un combat aussi noble que celui de l'indépendance ne pouvait pas être abandonné et que c'était le temps de repartir avec courage et énergie, suivant ce qu'il a toujours fait».

Au plan économique, M. Landry décrit Jacques Parizeau, qui détient un doctorat du London School of Economics, comme «un très grand économiste, le plus grand du Québec contemporain».

En plus de son rôle d'influence dans la nationalisation de l'hydroélectricité et de la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec, on lui doit notamment l'implantation du Régime d'épargne-actions dans les années 1980, parce qu'il voulait que les Québécois s'intéressent à leur économie et y investissent. Des PME du Québec ont grandi grâce à Jacques Parizeau, ministre des Finances, relate M. Landry.

Comme premier ministre, M. Landry retient de M. Parizeau ses convictions inébranlables. «Comme premier ministre, il s'était engagé à faire un référendum sur l'indépendance du Québec et il l'a fait, avec Lucien Bouchard et Mario Dumont», dit-il.

Michaud

Yves Michaud, un ami personnel de Jacques Parizeau depuis les années 1960, affirme que la défaite référendaire de 1995 a été «la grande tristesse de sa vie».

En entrevue mardi, quelques heures après que le décès de l'ancien premier ministre eut été annoncé, M. Michaud s'est dit «inconsolable de sa disparition» et «terriblement seul».

«Ce que je retiens de lui, c'est une larme, dans le sens qu'il a obtenu 49,55 % des voix au référendum, volé par le gouvernement fédéral. Puis Jacques a démissionné», a-t-il affirmé.

Comme indépendantiste de longue date et surtout ami de M. Parizeau, M. Michaud rapporte lui avoir plus tard demandé s'il regrettait d'avoir démissionné au lendemain de la défaite référendaire de 1995. «Un jour, je lui ai dit «tu aurais dû rester là» et il ne m'a pas répondu; il ne voulait pas parler de ça. Mais probablement qu'il éprouvait un certain regret», a avancé M. Michaud.

Étonnamment, ces deux hommes passionnés et entiers parlaient peu de politique et d'économie, bien que M. Michaud ait également oeuvré au Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, le MÉDAC. Ils parlaient de tout, partageaient des repas et s'échangeaient des bouquins. M. Parizeau était aussi «extrêmement cultivé», rapporte M. Michaud.

Au plan personnel, M. Michaud décrit aussi un homme avec «un sens de l'humour britannique et caustique».

Paquette

De son côté, Gilbert Paquette, qui a été ministre dans le gouvernement de René Lévesque aux côtés de Jacques Parizeau qui était alors ministre des Finances, salue le véritable «phare», l'inspiration qu'a été M. Parizeau pour les indépendantistes et pour plusieurs générations.

En entrevue mardi, M. Paquette a relaté sa démission comme ministre des Sciences et de la Technologie, au milieu des années 1980, à la même époque que celle de Jacques Parizeau, parce que tous les deux étaient opposés au virage du «beau risque» que voulait prendre le premier ministre René Lévesque pour donner une dernière chance au renouvellement du fédéralisme.

On a démissionné ensemble; ça crée des liens, a relaté M. Paquette.

L'ancien ministre péquiste a relevé la grande capacité intellectuelle de M. Parizeau, de même que ses dons pédagogiques, sa popularité auprès des jeunes et des étudiants. Il savait captiver son auditoire.

Comme tous ceux qui ont connu M. Parizeau, M. Paquette souligne sa détermination, ses convictions inébranlables jusqu'à la fin.

- Avec Stéphanie Marin et Lia Lévesque, La Presse Canadienne