Le fait que Pierre Karl Péladeau soit à la fois député et magnat de la presse constitue une «situation exceptionnelle», a reconnu mardi le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, en invitant les parlementaires à discuter de l'épineuse question des intérêts financiers du chef du Parti québécois.

Me Saint-Laurent a livré un témoignage très attendu à la commission parlementaire chargée d'étudier ses suggestions pour modifier le code d'éthique de l'Assemblée nationale. En février, il avait publié 23 recommandations, dont certaines concernent directement M. Péladeau.

«C'est une situation exceptionnelle, et c'est la raison pour laquelle je propose de l'examiner», a affirmé Me Saint-Laurent en répondant à une question du député de Québec solidaire, Amir Khadir.

Me Saint-Laurent a convenu qu'une discussion entre les élus s'imposait en raison de l'ampleur et de la nature des intérêts de M. Péladeau.

Lors d'un échange avec le député péquiste Stéphane Bédard, il a précisé que le chef de l'opposition va au-delà des exigences actuelles du code d'éthique. Celui-ci prévoit que seuls les ministres doivent placer leurs avoirs dans une fiducie sans droit de regard.

M. Péladeau a promis de placer ses actions de Québecor dans une fiducie dès son élection à la tête du PQ. Le soir de son élection, le 15 mai, il a annoncé avoir donné instruction à ses avocats de mettre cette promesse à exécution. Mais il interdira à son fiduciaire de vendre ses avoirs, qu'il a hérités de son père et qu'il souhaite léguer à ses enfants.

Me Saint-Laurent suggère aux élus de repenser les dispositions du code d'éthique qui portent sur les fiducies sans droit de regard.

Le commissaire a enquêté sur les interventions de M. Péladeau au sujet de la vente de Vision Globale, qui a été acquise par Québecor. Il a tranché en décembre que le député avait contrevenu à deux reprises au code d'éthique. Mais il ne l'a pas sanctionné car, à ses yeux, il avait agi de bonne foi.

Nouvelle mise en garde

M. Péladeau a prévenu lundi que ses adversaires politiques subiraient des «conséquences» s'ils tentaient de transformer la question de ses intérêts financiers en cirque politique.

Mardi, il a lancé une nouvelle mise en garde. Il a affirmé que le siège social de Québecor risque de disparaître s'il est forcé de vendre sa société de télécommunications.

«Est-ce que c'est ce que le Québec souhaite? a-t-il demandé en entrevue à la chaîne FM93 de Québec. Perdre une entreprise qui fait travailler des milliers de personnes, dont un très grand nombre dans un siège social avec des rémunérations élevées qui permettent de payer des impôts?»

Selon M. Péladeau, il faudrait allonger 5 milliards pour acquérir Québecor. Peu de gens d'affaires possèdent une fortune aussi importante au Québec, a-t-il dit, citant l'exemple de la vente du Cirque du Soleil.

Il a également dit souhaiter que l'entreprise qu'il a héritée de son père reste entre les mains de sa famille.

L'avertissement de M. Péladeau n'a guère impressionné le député libéral Marc Tanguay, qui a questionné le commissaire à l'éthique mardi.

«Ce n'est pas un argument pour dire que le code de déontologie ne s'appliquerait pas à M. Péladeau», a-t-il affirmé.

Plus tôt mardi le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a appelé les députés du Parti québécois à faire pression sur leur chef. Il propose qu'il réorganise son portefeuille afin de conserver la propriété de Videotron - la principale source de revenus de Québecor -, mais qu'il se départe des médias de l'entreprise.

«Déjà, il y a Jean-François Lisée qui reconnaît ce problème, a dit M. Legault. Je ne peux pas croire qu'il n'y a aucun autre député du PQ qui ne voit pas l'immense conflit d'intérêts et qui ne va pas convaincre M. Péladeau de trouver un compromis.»