La ministre de la Famille, Francine Charbonneau, ouvre un nouveau front de discorde avec les Centres de la petite enfance (CPE), convaincue qu'ils sont mal administrés.

Durant l'étude des crédits de son ministère pour l'année en cours, mardi, Mme Charbonneau s'est livrée à une nouvelle charge contre les CPE, estimant que la part de leur budget consacrée à l'administration était nettement exagérée.

Selon elle, les frais d'administration des CPE grugent en moyenne pas moins de 17% de leur budget, une proportion jugée démesurée. En fait, le ministère de la Famille fixe à 16,5% la part du budget allouée à l'administration en 2013-2014.

En guise de comparaison, la ministre a rappelé son passé à la Commission scolaire de Laval, où les frais de gestion n'accaparaient que 3,5% de son budget, selon son souvenir.

Interpellée à ce propos, l'Association québécoise des CPE a dit ne pas avoir de données globales sur la fraction des budgets consacrée à l'administration. Elle n'a donc pas pu confirmer ou infirmer les calculs du ministère.

La ministre Charbonneau a aussi rappelé que les CPE avaient engrangé des surplus budgétaires substantiels au fil des ans. Québec calcule que dans l'ensemble du réseau des services de garde, on a amassé 376 millions de dollars de surplus, dont 177 millions dans les coffres des CPE, 26 millions dans les bureaux coordonnateurs et 173 millions dans les garderies privées subventionnées.

Les services de garde subventionnés peuvent donc et doivent absorber les coupes budgétaires annoncées récemment de 74 millions (dont 49 millions aux CPE) sans toucher aux services offerts aux enfants, selon elle. Ils n'ont qu'à utiliser leurs surplus et à revoir leur mode de gestion, a-t-elle indiqué en substance.

Elle a dénoncé le fait que certains CPE planifient couper certains services directs aux enfants, pour combler le manque à gagner.

Mardi, un CPE d'Otterburn Park, sur la Rive-Sud de Montréal, annonçait qu'il allait supprimer une portion de lait par jour aux enfants, en réponse aux compressions budgétaires du gouvernement, une décision «inacceptable», a dit la ministre.

Fin mars, la direction de l'AQCPE affirmait que les nouvelles compressions imposées par Québec allaient nécessairement se traduire par une réduction des services aux enfants.

La ministre a rappelé que l'État versait 60 $ par jour par enfant qui fréquente un CPE et que, dans son esprit, toute initiative prise par les CPE à la suite des coupes annoncées par Québec «ça passe pas par le 60 piastres, ça passe par des surplus qu'on a et de mieux utiliser l'argent du Québec».

Mme Charbonneau a dressé une longue liste de postes budgétaires à examiner, pour éviter de réduire les services: frais de déplacements, séjours et frais de représentation, publicité, information, papeterie, impression, articles de bureau, abonnements, cotisations, contrats de service, aménagement paysager, location d'équipement, etc.

Surtout, elle a pointé du doigt la formation et la participation à des congrès, au moment où les cadres des CPE se réunissent en colloque cette semaine à Québec, au Château Frontenac.

«Happy, zen et sexy, c'est loin de la formation de la petite enfance qu'on devrait avoir auprès de nos enfants», a-t-elle illustré. Un des ateliers à l'horaire des participants est intitulé «Happy, zen et sexy».

Alors que le réseau a dénoncé la ponction annoncée de 74 millions de dollars, la ministre a minimisé l'importance de la somme, qui représente «même pas la moitié des surplus qu'on a dans l'ensemble du réseau des services de garde au Québec».

L'opposition péquiste juge au contraire que la ministre Charbonneau étrangle financièrement son réseau, qui dispose de moins en moins de marge de manoeuvre.

Le porte-parole péquiste sur les questions de famille, le député Mathieu Traversy, rappelle que Québec imposait déjà aux CPE d'utiliser leurs surplus pour financer la moitié des coûts de construction de nouvelles installations.

En entrevue téléphonique, il a dit trouver «très dure» la ministre envers son réseau dont la qualité des services sera de plus en plus difficile à garantir.

Il note que ses contacts avec des dirigeants de services de garde, qui s'estiment «pris à la gorge», indiquent que les compressions imposées par Québec vont entraîner un manque à gagner non négligeable de l'ordre de 60 000 $ à 100 000 $ pour chacun d'entre eux, annuellement.

Il ajoute que l'essentiel des sommes disponibles va aux salaires, peu d'épargne étant donc possible du côté administratif, alors que «la ministre s'en lave les mains».

Les relations sont tendues depuis des mois entre la ministre et le réseau des services de garde, unanime à réclamer sa démission.