Le refus de certains immigrants d'adhérer aux valeurs d'ici préoccupe une très forte majorité de Québécois, selon le dernier sondage CROP-La Presse, qui montre l'importance que prend le fondamentalisme religieux dans l'esprit de la population. Et malgré les nuances que tente d'apporter le premier ministre Couillard, la plupart s'inquiètent des problèmes de sécurité que pourrait poser l'intégrisme.

Intégrisme et sécurité

Deux Québécois sur trois s'inquiètent «beaucoup» ou «assez» de la possibilité que l'intégrisme religieux puisse menacer «la sécurité au Québec», selon l'étude de CROP.

La proportion montre à 75% chez les répondants de plus de 55 ans. Seuls 43% des participants anglophones et des allophones pensent la même chose.

Pour Youri Rivest, de la maison CROP, la population ne fait pas les nuances que propose Philippe Couillard, qui a dit respecter l'«intégrisme» en tant que «choix personnel», mais pas l'«extrémisme». «Selon moi, les gens prennent ça comme des synonymes. On aurait eu des résultats similaires» peu importe l'expression utilisée, a ajouté M. Rivest.

Un filon pour le PQ

Selon le coup de sonde, le thème est porteur pour le Parti québécois (PQ). Ses électeurs seraient les plus nombreux (84%) à faire le lien entre intégrisme et menace sécuritaire, contre 63% des répondants libéraux et 58% des solidaires.

Les troupes péquistes ont déjà commencé à taper sur ce clou en attaquant les déclarations de M. Couillard sur ce sujet, puis en s'en prenant à la ministre Kathleen Weil, qui s'était déclarée disposée à accueillir un intégriste dans son cabinet. Elle s'était reprise par la suite.

Crise d'identité

Le fameux débat sur les accommodements raisonnables n'est pas terminé, selon la maison CROP. Le Québec demeure en crise d'identité.

Son coup de sonde suggère que 85% des Québécois s'inquiètent du «refus de certains immigrants d'adopter les valeurs canadiennes et québécoises», une quasi-unanimité. Seuls 5% des répondants ont dit que le phénomène ne les préoccupe pas «du tout».

«C'est beaucoup», a indiqué Youri Rivest. Cette question ne concernait pas «la menace réelle de violence», fait-il remarquer. «C'est la peur que les immigrants vont modifier nos valeurs. C'est plus une guerre de valeurs qu'une guerre armée ou de terrorisme.»

Rejet des accommodements

Quant aux accommodements en tant que tels, ils inquiètent 79% des répondants. Ceux de la grande région de Québec s'en font particulièrement, surtout ceux qui ont plus de 55 ans.

Le thème est gravé dans l'esprit des Québécois au point qu'il inquiète exactement autant que la possibilité que des actes terroristes soient commis sur le territoire (79%) ou que des jeunes soient convertis pour en faire des combattants à l'étranger (79%).

Selon Youri Rivest, il faut toutefois distinguer l'inquiétude de nature politique associée aux accommodements religieux de l'inquiétude sécuritaire liée aux actes terroristes.

Appui à la charte

Près d'un an après la défaite du gouvernement péquiste de Pauline Marois, un Québécois sur deux (51%) continue d'appuyer l'idée d'une charte «sur la laïcité de l'État», selon le coup de sonde de CROP.

«La Charte, c'est vu comme la réponse [aux inquiétudes], a indiqué M. Rivest. C'est le pouvoir qui mettrait son pied à terre et qui tracerait la ligne, qui dirait jusqu'où la société d'accueil va s'ouvrir ou pas.»

Les répondants péquistes sont les plus nombreux dans ce camp, avec 77% d'appuis, contre 38% des répondants qui comptent voter pour le Parti libéral du Québec (PLQ). L'idée d'une Charte s'attirerait beaucoup d'appui dans la région de Québec, alors qu'elle est rejetée par une pluralité de répondants non francophones.