Le premier ministre Philippe Couillard a voulu couper court, jeudi, au débat sur le sens du mot intégrisme, sans toutefois apporter son éclairage pour autant, même si à son avis «personne ne sait de quoi on parle».

Il a dû revenir sur le cafouillage de sa ministre de l'Immigration, Kathleen Weil. Elle avait d'abord soutenu mercredi qu'elle pourrait travailler volontiers avec un intégriste dans son cabinet, mais avait ensuite fait marche arrière quelques heures plus tard, en affirmant qu'un intégriste est «quelqu'un qui conteste la démocratie» et cette personne n'aurait pas sa place dans son cabinet.

Le gouvernement est constamment embarrassé par cet enjeu délicat: M. Couillard avait souligné que l'intégrisme est «un choix personnel», mais désormais il a banni de son vocabulaire les mots intégrisme et intégristes, qui sont remplacés par radicalisation.

Or le premier ministre a démontré un brin d'impatience et d'irritation quand la question est revenue sur le tapis jeudi. En point de presse avant de prendre part à la réunion de ses députés en matinée, le premier ministre a affirmé qu'«on joue sur les mots», quand on lui a demandé s'il était d'accord avec sa ministre sur le fait qu'un intégriste n'aurait pas sa place comme employé d'un cabinet.

«Personne ne sait de quoi il parle, a-t-il déclaré. Il y a une différence entre la pratique rigoureuse d'une religion et le radicalisme qui est dangereux pour la sécurité du monde. Et moi, c'est la sécurité du monde qui passe avant tout.»

Et quand un journaliste lui a dit que la question posée à Mme Weil portait précisément sur le cas de l'intégrisme, il a balayé cette précision sur un ton agacé: «Mme Weil en avait parlé et je n'ai rien à ajouter», a-t-il tranché avant de changer de sujet.

Il a par ailleurs demandé à ce qu'on évite de parler des musulmans, alors que pourtant personne n'en avait fait mention, ni la veille avec Mme Weil, ni au cours du point de presse. «S'il vous plaît, laissons donc les musulmans tranquilles deux minutes, a-t-il lancé. En général c'est le message sous-jacent, c'est toujours la communauté musulmane.»

Incidemment, durant le même le point de presse, M. Couillard a attaqué le Parti québécois en reprenant le terme radical. À propos des positions des candidats à la direction du PQ concernant la souveraineté, le premier ministre a indiqué qu'il s'agit d'un concours entre les candidats pour savoir lequel est le plus radical.

La veille, Mme Weil avait pourtant été plus loquace quand elle s'était ravisée pour rejeter l'hypothèse d'embaucher un intégriste dans son cabinet. Il ne s'agissait plus simplement d'un rigoriste et de ses pratiques religieuses en privé: un intégriste était devenu quelqu'un qui ne partage pas les valeurs démocratiques, qui ne croit pas en l'égalité entre les hommes et les femmes et qui fait la promotion de l'homophobie.

Selon elle, l'intégriste est «extrêmement conservateur» et n'a pas une «mentalité moderne». À la première entrevue d'embauche, on verrait que cette personne n'a pas une «mentalité ouverte, progressiste». À ses yeux, il y a des gradations jusqu'au fondamentalisme, mais le lexique est «complexe» et elle a dit qu'elle voulait rester simple pour être comprise.