Québec veut récupérer 16,5 millions de dollars en resserrant des critères à l'aide sociale. En conférence de presse hier, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, a soutenu qu'il élimine des «incohérences» et des «irritants» qui, «à la limite, nuisent à l'intégrité et à l'image du programme». Des partis de l'opposition accusent le gouvernement d'alimenter les préjugés et de renier sa promesse de protéger les plus vulnérables dans la lutte contre le déficit zéro. Explications en cinq volets.

1. «Difficilement justifiable»

Pour François Blais, des mesures qu'il revoit étaient «difficilement justifiables». C'est le cas de la possibilité pour un prestataire de séjourner hors du Québec pendant un mois. Désormais, il ne pourra plus le faire au-delà de 15 jours au cours d'un même mois. Environ 460 personnes seraient touchées par année. Les économies seraient de 1,8 million de dollars. Le ministre a ajouté que des assistés sociaux sont propriétaires d'une maison ayant une valeur «assez importante». Or la valeur d'une maison n'était plus prise en compte dans le calcul de la prestation depuis 2007. Maintenant, au-delà de 142 000$ au programme d'aide sociale et de 203 000$ au programme de solidarité sociale, la valeur de la maison aura un impact sur la valeur du chèque. Au total 431 ménages pourraient être visés, pour des économies de 2,2 millions.

2. Un avertissement à Québec

Le ministre se fait donner un avertissement dans l'étude d'impact qu'il a lui-même commandée. L'une des mesures «pourrait avoir un effet sur la décision d'effectuer ou non un séjour dans un centre pour mettre fin à un problème de toxicomanie». À l'heure actuelle, Québec paie à un assisté social le séjour dans un tel centre, environ 1300$ par mois, en plus de sa prestation de base de 616$. Dans certains cas, cette personne reçoit également une allocation pour contraintes temporaires - 130$ pour une personne seule. Or Québec veut maintenant payer le séjour, mais remplacer les autres prestations et allocations par une aide de 200$ par mois. Ceux qui ont un logement pourraient recevoir jusqu'à 416$ pour ne pas le perdre pendant la durée du séjour, pour un total de 616$ dans leur cas. Au net, les prestataires qui vont dans un centre pour s'affranchir d'une dépendance recevraient moins d'argent. Québec économiserait 6,1 millions. L'an dernier, 6479 prestataires ont reçu une aide pour séjourner dans un centre de réadaptation en toxicomanie. 

3. Le partage de logement touché

Québec entend maintenant tenir compte des revenus que tire un prestataire en louant deux chambres ou plus, au lieu de trois. La somme mensuelle qui sera comptabilisée aux fins du calcul de la prestation passera de 85$ à 125$ par personne. Québec calcule qu'il récupérera ainsi 5,4 millions de dollars auprès de 4200 ménages. L'ensemble des mesures fait l'objet d'une consultation. Le gouvernement veut qu'elles entrent en vigueur le 1er mai et le 1er juillet selon le cas.

4. Pénalité pour les fausses déclarations

Québec veut augmenter les pénalités contre les assistés sociaux qui ne déclarent pas la totalité de leurs revenus. Jusqu'ici, les contrevenants devaient rembourser à l'État la somme qui excède l'exemption de 200$ par mois. Dorénavant, ils devront également retourner la valeur de l'exemption. Québec estime que près de 5000 prestataires n'ont pas déclaré tous leurs revenus de travail l'an dernier. Il chiffre les économies à un million de dollars. Rappelons qu'un prestataire peut gagner jusqu'à 200$ par mois sans que son chèque soit réduit. Toute somme supplémentaire est soustraite de la prestation.

5. PQ et QS contre, la CAQ pour

«Le gouvernement ment, lui qui avait promis d'atteindre l'équilibre budgétaire sans s'en prendre aux plus vulnérables, accuse la députée de Québec solidaire, Françoise David. En mettant les projecteurs sur peut-être quelques personnes qui ont réussi, je ne sais comment avec leur chèque d'aide sociale et peut-être du travail au noir, à se rendre dans le Sud, on oublie que 99% des gens à l'aide sociale ont de la misère à payer leur loyer. Et pour eux, le ministre ne fait rien.» Alors que son parti avait soulevé un tollé en 2013 avec des coupes à l'aide sociale, le député péquiste Harold LeBel a reproché au ministre Blais d'insister sur des mesures touchant «les grands voyages et les grandes maisons» pour «alimenter les préjugés» et «faire passer des coupes qui vont toucher directement les conditions de vie de plusieurs personnes». La Coalition avenir Québec considère que les mesures annoncées «vont dans le bon sens», mais qu'il y a encore du travail à faire. «Il manque de mesures pour favoriser le retour sur le marché du travail des bénéficiaires» et «accélérer le recouvrement des sommes versées en trop à l'aide sociale».