Le premier ministre Philippe Couillard fait fausse route en faisant de l'intégrisme un «choix personnel», a déclaré mardi le député péquiste Bernard Drainville.

M. Drainville a affirmé que M. Couillard démontre une tolérance inacceptable envers l'intégrisme religieux.

Lors d'un point de presse, M. Drainville a estimé que le premier ministre devrait condamner et combattre le fondamentalisme de toutes les religions avec des lois et des outils comme des balises pour la laïcité de l'État.

«Il ne faut pas reculer sur la protection de la liberté de religion, mais ce que je dis c'est que l'intégrisme religieux qui veut imposer sa loi religieuse, sur des lois votées démocratiquement dans des parlements, ça n'est pas acceptable. Tu ne peux pas dire, comme premier ministre du Québec: ça fait partie des choix personnels. Ça et baisser les bras, ça et renoncer, ça et dire: finalement, je l'accepte, il n'y a pas grand-chose à faire avec ça. «Come on M. Couillard, come on», vous êtes premier ministre, tenez-vous debout», a-t-il lancé.

Après avoir présenté des mesures visant à améliorer la situation des prestataires d'aide sociale, M. Drainville a expliqué que, sans balises claires, les intégristes peuvent imposer des normes religieuses dans les institutions publiques.

«La majorité des intégristes respectent les lois mais ils testent les lois, a-t-il dit. Ils testent les lois, ils veulent repousser nos lois dans leurs derniers retranchements, notamment pour la question de l'égalité homme-femme.»

Lundi, M. Couillard a affirmé que, tant qu'il «n'enfreint pas les droits des autres», notamment des femmes, l'intégrisme peut être considéré comme une pratique «extrême» de la religion qui «fait partie des choix personnels de chacun».

Mardi, M. Drainville a réclamé plus de fermeté de la part de M. Couillard dans ce dossier, qui est revenu dans l'actualité québécoise à la suite des récents attentats parisiens.

«Les intégristes carburent aux accommodements religieux, ce qu'ils veulent c'est changer la norme. Ce qu'ils veulent, c'est installer des nouvelles pratiques et une nouvelle pratique finit par devenir une norme qui est acceptée. Le problème au Québec c'est que nos institutions publiques, nos hôpitaux, nos écoles, nos garderies, n'ont pas de règles claires pour dire non à ces demandes d'accommodements.»

En concluant une réunion de ses députés à Sorel-Tracy, le chef caquiste François Legault a affirmé mardi que les propos de M. Couillard sur l'intégrisme ressemblent à une nouvelle raison pour ne pas agir sur le front de la laïcité.

«C'est certain que tous les intégristes ne sont pas des terroristes, on est tous d'accord avec ça, a-t-il dit. Mais on doit envoyer un message sur nos valeurs, on doit aussi identifier les intégristes qui risquent de devenir des terroristes.»

Par la suite, mardi, M. Couillard a insisté sur les nuances qu'il fait entre la pratique rigoureuse de la la religion et l'extrémisme religieux qui mène au terrorisme.

«Tant que cette pratique ne met pas en jeu les droits des autres, la sécurité des autres, les principes de société fondamentaux comme l'égalité homme-femme, cette pratique, à ce que je sache, personne ne songe à l'interdire, a-t-il dit. Et ça existe dans toutes les religions, une minorité, mais ça existe et il faut faire une distinction très nette entre la question de l'intégrisme de pratique religieuse qui glisse au-delà de nos droits, de nos libertés, de nos valeurs et qui, là, devient de l'extrémisme qui peut mener parfois, malheureusement, à la violence.»

Alors que le PQ a la semaine dernière établi un lien entre les tergiversations de M. Couillard, sur l'échéancier de son projet sur la laïcité de l'État, et son séjour en Arabie saoudite il y a 20 ans, où il a été médecin, le premier ministre a estimé qu'il avait appris des choses grâce à cette expérience.

«Ça m'a appris ce que ça veut dire être l'étranger, avoir la couleur de la peau différente, a-t-il dit. Ça m'a appris ce que ça veut dire se faire dire que ta religion ne peut être montrée ou pratiquée. Ça m'a appris la valeur de nos libertés.»

M. Couillard, qui a également été conseiller du gouvernement saoudien en 2009, a fait valoir que les violations des droits de la personne suscitaient de l'opposition dans le pays.

«J'ai rencontré aussi des gens qui sont aussi éclairés que nous dans cette salle, qui souhaitent que leur pays évolue et ce sont les contacts avec ce pays et d'autres qui vont faire que ces façons de faire vont se moderniser», a-t-il dit.