Après des semaines de rumeurs sur les compressions à venir, la méfiance a gagné la population. Le voyant rouge s'allume au tableau de bord de Philippe Couillard. La satisfaction à l'endroit de son gouvernement, les intentions de vote et même sa cote personnelle ont glissé depuis le dernier mois.

Le dernier coup de sonde de CROP, réalisé du 13 au 17 novembre auprès de 1000 internautes, est sans appel: le gouvernement Couillard aborde la dernière ligne droite de la session parlementaire en période de turbulences. L'annonce attendue aujourd'hui sur les tarifs de garderie et de nouvelles mesures fiscales pour grossir les coffres de l'État le 2 décembre ne viendront pas calmer le jeu.

«C'est une lumière rouge, il s'est passé quelque chose dans l'opinion publique. Les gens ont pris conscience de ce qui se passe et ne sont pas contents de ce qu'ils voient. L'opinion publique évolue ainsi, cela prend parfois du temps à se former», analyse Youri Rivest, vice-président de CROP.

Premier indice: la satisfaction à l'endroit du gouvernement accuse «une baisse importante», observe M. Rivest. «Tout le débat sur l'austérité et les coupes paraissait limité aux médias, mais on voit que cela a percolé dans l'opinion publique et engendré de l'insatisfaction.» Désormais, le gouvernement a devant lui 57% d'insatisfaits, une augmentation subite de six points; «cela commence à être beaucoup». Les «très insatisfaits» représentent maintenant presque le quart de la population (ils passent de 18 à 23%), un autre signal important. «Ce sont les gens politisés, mobilisés. Ce sont des mécontents, qui sont susceptibles d'aller dans la rue pour manifester», observe le spécialiste.

Impact dans les intentions de vote

La grogne se manifeste aussi dans les intentions de vote à l'endroit du gouvernement. Une fois répartis les 11% d'indécis, l'appui au Parti libéral du Québec (PLQ) passe de 40% à 36%. Le Parti québécois (PQ), sans chef, ne profite pas de cette défaveur et baisse de deux points, à 23%. La Coalition avenir Québec (CAQ) monte d'un point, à 24%.

Québec solidaire (QS), en revanche, semble mieux tirer son épingle du jeu, et monte de deux points, à 14%, une progression constante depuis juin dernier. «Le Parti québécois ferait bien de regarder dans le rétroviseur, QS est en train de doubler le PQ sur sa gauche. Reste à voir si cela durera une fois qu'un chef sera choisi», indique l'analyste.

Par région, on constate que la CAQ semble plus forte que prévu en région, avec 26%, mais qu'elle semble céder du terrain à Montréal. Les libéraux sont en avance sur la CAQ à Québec, avec 34% contre 28%. Chez les francophones, les trois principaux partis sont coude à coude: le PLQ est à 28%, le PQ, à 27%, tout comme la CAQ. Des élections cette semaine auraient reporté les libéraux au pouvoir de façon majoritaire, évalue M. Rivest.

En attente d'une vision

Un autre signe inquiétant pour le gouvernement: l'étoile de Philippe Couillard a pâli, subitement et de manière significative. «Les gens se demandent quel est le plan derrière toutes ses actions. Les gens attendent une vision, ce qui n'est pas la somme des actions posées», souligne-t-il.

Le chef libéral est passé de 28 à 21% en un mois comme «meilleur premier ministre», même s'il a l'avantage d'occuper la fonction. François Legault passe de 21% à 19%. Désormais, 26% des Québécois estiment qu'aucun des chefs actuels ne ferait un bon premier ministre.

«Il y a vraiment une déprime depuis quelques années au Québec. L'élection était venue la chasser, mais on est retombés dans les ornières», observe M. Rivest. Quand on leur demande si le Québec «va dans la bonne ou dans la mauvaise direction», 61% des répondants estiment que l'on fait fausse route, une hausse subite de six points sur toutes les enquêtes menées depuis l'été.