Le premier ministre Philippe Couillard a rencontré plusieurs membres de la communauté musulmane, lundi matin, pour jeter les bases d'un futur plan d'action visant à éviter la radicalisation des jeunes - un projet centré sur la prévention, pas sur la répression.

«Ce n'est pas la fin, mais le début du processus», a indiqué le premier ministre en point de presse à Montréal, après cette première réunion qui a duré environ une heure.

Environ deux tiers des pistes d'actions envisagées pour le moment visent la sphère sociocommunautaire et l'autre tiers sera entre les mains de la sécurité publique, mais au niveau de la prévention.

Un imam du Mile-End à Montréal, présent à la réunion, Omar Kone, a toutefois souligné qu'il y a des limites à ce qu'il peut faire pour rejoindre des jeunes qui ne fréquentent pas sa mosquée, qu'il ne connaît pas et qui se radicalisent dans leur sous-sol en obtenant de l'information sur Internet.

Bien qu'il ait d'abord annoncé ses intentions le mois dernier au lendemain de la fusillade à Ottawa et trois jours après le meurtre d'un soldat à Saint-Jean-sur-Richelieu - des crimes commis par deux jeunes récemment convertis à l'islam, mais sans lien démontré avec la communauté ni une mosquée quelconque - M. Couillard se défend de montrer du doigt la communauté musulmane et de la stigmatiser.

«Il ne faut pas faire semblant d'ignorer la question, qu'il y a quelque part un lien entre la déformation de l'islam, de la religion et ces actions. Ça, ça contribue davantage à l'incompréhension entre les communautés», a fait valoir le premier ministre.

Il reconnaît que les crimes qui ont récemment ébranlé le Canada ne s'expliquent pas simplement par une cause unique comme l'islam radical, mais précise que souvent des jeunes aux prises avec d'autres problèmes sont plus vulnérables et deviennent des proies pour ceux qui prônent la violence.

Il faut examiner les causes de la radicalisation des jeunes, a avancé M. Couillard.

«L'idée n'est pas de dire ceci est compréhensible, parce que... Non. Ces gestes sont condamnables de toute façon, dans l'absolu», a-t-il dit.

«Mais on doit travailler ensemble sur notre société pour mettre en place un environnement qui éloigne les jeunes de ce projet, on peut dire, maléfique.»

Il croit de plus que cette discussion est nécessaire, car il faut aussi protéger les Québécois de confession musulmane qui sont eux-mêmes victimes de harcèlement ou de violence.

M. Couillard veut notamment améliorer l'intégration des membres de cette communauté, pour éviter qu'ils ne se radicalisent, en favorisant l'éducation et l'emploi. Il a notamment dit qu'une reconnaissance des diplômes étrangers plus souple est sur la table et que sa ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, prépare actuellement une nouvelle politique d'immigration.

Il a aussi félicité les musulmans du Québec pour leur dénonciation «rapide, ferme et non ambiguë» des meurtres commis à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu et pour avoir reconnu qu'ils ont eux-mêmes un travail à accomplir, dont rectifier les propos déformés, mal transmis sur les préceptes pacifiques de l'islam.

«Il faut refuser les stéréotypes», a-t-il dit dans un discours rassembleur.

L'imam Omar Kone est du même avis et croit que l'éducation est la clé pour éviter la violence.

Mais il n'y a pas lieu de paniquer: la menace posée par des extrémistes au pays n'est pas si grande, car la vaste majorité des jeunes rejettent toute forme de radicalisation religieuse, explique-t-il. Mais un cas est toujours un cas de trop, juge-t-il.

Onze représentants de la communauté étaient présents lors de la rencontre dont Lamine Foura, un animateur radio et télé qui croit que la discussion est souhaitable pour éviter les gestes de violence dans le futur.

Il croit important que la communauté musulmane fasse deux choses: dénoncer et condamner les actes de violence faits au nom de l'islam et clarifier les positions de cette religion, pour rectifier le tir. Toutefois il ne croit pas avoir à se dissocier ni à s'excuser pour les gestes commis par d'autres «parce que l'islam que je connais rejette la violence».

Les discussions avec les Québécois musulmans vont se poursuivre. «On arrive au bon moment. Il n'est pas trop tard», croit M. Couillard.