Le Conseil de presse a refusé de se pencher sur le cas de Pierre Karl Péladeau, hier, affirmant que l'éthique des élus de l'Assemblée nationale ne relève pas de sa compétence. Une décision qui a mis en relief de vives tensions au sein de l'organisme.

Le Parti libéral (PLQ) et le Parti québécois (PQ) s'étaient entendus pour demander au Conseil de presse d'étudier le cas de l'actionnaire de contrôle de Québecor et candidat possible à la direction du PQ. Le leader parlementaire des libéraux, Jean-Marc Fournier, avait pris contact avec l'organisme, mais celui-ci a finalement refusé l'invitation.

«Le Conseil de presse du Québec ne peut accepter de mandat du gouvernement ou de l'Assemblée nationale parce qu'il n'est pas dans la nature du Conseil de diriger une étude qui relève de l'éthique parlementaire», a indiqué son porte-parole, Julien Acosta.

Critiques sévères

Selon nos informations, la décision est survenue au terme d'une réunion houleuse du conseil d'administration, qui a duré plus de deux heures. Une rencontre au cours de laquelle la présidente du Conseil, Paule Beaugrand-Champagne, et le secrétaire, Guy Amyot, ont été sévèrement critiqués.

Le tribunal d'honneur des médias avait promis d'étudier l'indépendance des journalistes, lorsque le débat sur les avoirs de M. Péladeau a fait surface dans le cadre de la course à la direction du Parti québécois.

Dans un communiqué diffusé le 9 octobre, Mme Beaugrand-Champagne précisait cependant que le problème ne se limitait pas au propriétaire de Québecor. Penser que le problème serait réglé si ce dernier vendait ses actions revenait «à accepter qu'un propriétaire interviendra toujours, et portera toujours atteinte à la liberté d'esprit des journalistes. Cette idée est inacceptable et l'enjeu ici est donc davantage de trouver des façons de protéger l'indépendance de toutes les salles de nouvelles - pas seulement celles de Québecor», écrivait Mme Beaugrand-Champagne, une ex-patronne du Journal de Montréal.

À l'Assemblée nationale, le PQ avait promptement fait écho à cette prise de position et plaidé pour qu'une enquête sur l'indépendance des salles de rédaction déborde le seul cas de M. Péladeau. La semaine dernière, il a proposé que toutes les entreprises médiatiques défilent devant un comité d'experts.

Des représentants des patrons, des journalistes et du public siègent au Conseil de presse. Derrière des portes closes, hier, ils se sont plaints avec vigueur du fait que le Conseil a pris position dans le dossier de M. Péladeau sans consulter qui que ce soit.

Guy Amyot, secrétaire du conseil, un ancien de Radio-Canada, a été pris à partie. Il est le frère de France Amyot, chef de cabinet de Stéphane Bédard, chef par intérim du Parti québécois.

Selon nos informations, la présidente, Mme Beaugrand-Champagne, s'est excusée auprès des membres.

Jointe hier, elle a refusé de commenter les discussions au Conseil. «C'est confidentiel, on n'a pas à divulguer ce qui se dit autour de la table», a-t-elle dit.  

L'idée d'une étude sur l'ensemble des salles de presse n'est pas morte: «Il n'y a rien qui dit qu'on ne le fera pas dans les prochains mois, il n'y a pas de date là-dessus.»

À l'Assemblée nationale, le Parti libéral et le Parti québécois se sont mis au défi de proposer une solution politique qui permettrait de trancher le cas unique de M. Péladeau.

«Je renvoie la balle dans leur camp pour que, d'ici demain, ils nous disent quels aménagements ils veulent avoir dans leur motion», a déclaré le leader parlementaire libéral, Jean-Marc Fournier.

La leader parlementaire du PQ, Agnès Maltais, estime que c'est aux libéraux de se montrer conciliants.

«Quand on veut faire les choses correctement, on appelle l'opposition officielle et on discute avec elle parce qu'on veut faire avancer le dossier», a dit Mme Maltais.