Pierre Karl Péladeau s'engage à placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard s'il devient chef du Parti québécois. Il fera aussi une «déclaration sur l'honneur» l'engageant à ne pas intervenir dans les médias de Québecor.

M. Péladeau a affirmé mercredi qu'il n'a toujours pas décidé s'il briguera la direction du PQ. Mais il martèle que sa décision de se lancer en politique ne l'oblige pas à se départir de l'héritage que lui a laissé son père, Pierre Péladeau, un héritage qu'il souhaite léguer à ses propres enfants.

Pressé par ses adversaires de choisir entre son empire médiatique et la direction du PQ, il promet de placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard s'il devient chef.

«Si je me portais candidat et que les militants du PQ me choisissent comme chef du parti, et par conséquent comme chef de l'opposition officielle, je peux vous assurer que je mettrai dans une fiducie sans droit de regard les actions que je détiens dans Québecor, a-t-il déclaré. Et ce, alors que la loi ne m'y oblige d'aucune façon.»

Le Code d'éthique des élus de l'Assemblée nationale prévoit que seuls les ministres doivent se départir de leurs avoirs ou les placer en fiducie. La mesure ne s'applique pas aux élus de l'opposition.

«PKP» promet une autre mesure : «Je ferai également, au moment opportun, une déclaration sur l'honneur dans laquelle je m'engagerai solennellement de ne jamais intervenir dans le contenu éditorial des médias d'information de quelque manière que ce soit», a-t-il indiqué.

M. Péladeau se trouve sur la sellette depuis la fin de semaine, lorsque le député péquiste Jean-François Lisée a affirmé qu'il ne peut à la fois diriger le PQ et contrôler une entreprise de presse.

Les adversaires du PQ ont pris la balle au bond à l'Assemblée nationale. La Coalition avenir Québec a proposé une motion qui interdirait à tout député de contrôler un média d'information. Le débat se tiendra mercredi après-midi.

M. Péladeau dit être «visé personnellement» par cette motion.

«La partisanerie outrancière de cette motion dépasse les limites du respect que nous devons tous à nos institutions démocratiques», a-t-il affirmé.

Lisée contre la motion



Celui qui a lancé le débat sur les avoirs de M. Péladeau, Jean-François Lisée, votera contre la motion caquiste, a-t-il indiqué mercredi matin. Telle que rédigée, elle pourrait empêcher un député de posséder une revue sur le sport, a-t-il illustré.

M. Lisée n'entend pas non plus proposer des amendements à la motion.

«Je ne veux pas participer à la tentative de la CAQ de se faire du capital politique là-dessus, a-t-il déclaré. Ils sont tellement incompétents qu'ils ont écrit une mauvaise motion.»

Le chef caquiste François Legault n'a pas manqué de railler la prise de position de l'adversaire probable de M. Péladeau dans la course à la direction du PQ.

«M. Lisée est mal pris dans son parti et il cherche un moyen de s'en sortir, a-t-il ironisé. Sur le fond, on dit la même chose. Si M. Lisée veut des amendements, on va en proposer.»

À l'Assemblée nationale, M. Legault s'est dit ouvert à amender sa motion et a pressé les libéraux de l'appuyer. Il a rappelé que Philippe Couillard s'est dit favorable à ce que M. Péladeau vende ses actions lors de la dernière campagne électorale.

Mais le premier ministre a affirmé qu'il souhaite éviter que le débat se réduise à la seule personne de Pierre Karl Péladeau. Il souhaite que les discussions portent sur le thème plus large de l'indépendance des médias en démocratie.

«Il faut discuter entre nous de cette motion qui, d'après nous, est un peu à court terme, sur des points à marquer sur un adversaire dans un contexte particulier », a-t-il affirmé.

Pour une rare fois, Québec solidaire s'est rallié à la CAQ. La cochef Françoise David s'est montrée d'accord avec la motion de M. Legault, bien qu'elle pourrait proposer des amendements.

«Je prends cette motion pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un appel à poser la question, à débattre, a dit Mme David. Je pense que le temps est mûr. On a vu tellement de situations de conflits d'intérêts au fil des années et il va y en avoir encore.»



Malgré un amendement rejeté par le vice-président François Gendron, qui l'a jugé non conforme, les libéraux ont accepté d'appuyer la démarche de la CAQ, lors d'un vote prévu jeudi.

En fin de journée, mercredi, le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a affirmé qu'une commission parlementaire se penchera d'abord sur la question de l'indépendance de la presse en démocratie, pour qu'un projet de loi soit déposé ensuite.

Péladeau se dissocie d'un communiqué de Québecor

Pierre Karl Péladeau s'est dissocié, mercredi, d'un communiqué de presse diffusé en mars dernier dans lequel Québecor confirmait son engagement à placer ses actions de l'entreprise dans une fiducie sans droit de regard après son élection à l'Assemblée nationale.

M. Péladeau, actionnaire de contrôle du conglomérat, a fait cette déclaration en sortant d'une salle de commission parlementaire, quelques heures après avoir promis qu'il placerait ses actions en fiducie s'il est élu chef du Parti québécois.

«Vous le savez très bien c'est un communiqué de presse de Québecor, ce n'est pas un communiqué de presse que j'ai émis, a-t-il dit à La Presse Canadienne. C'est un communiqué de presse de Québecor, ce n'est pas moi qui l'ai rédigé, c'est la compagnie.»

En mars, en annonçant la candidature de M. Péladeau dans la circonscription de Saint-Jérôme, Québecor avait pourtant confirmé son engagement à se distancer de ses actifs, dès son élection, même si cette contrainte n'est réservée qu'aux membres du conseil des ministres.

«Québecor confirme que, dans l'éventualité où M. Péladeau serait élu à l'Assemblée nationale du Québec le 7 avril prochain, ce dernier s'est engagé à mettre en place une fiducie ou un mandat sans droit de regard dans lequel il placerait ses intérêts économiques», indiquait le communiqué du conglomérat.

Le chef intérimaire péquiste Stéphane Bédard a affirmé que M. Péladeau n'avait pas donné suite à cet engagement puisque la loi qui détermine le code d'éthique des élus ne force pas les députés à le faire.

«Les députés, en général, je vous dirais que la presque totalité n'a pas de fiducie sans droit de regard, a-t-il dit. Je pense qu'on souhaitait tous être au gouvernement. Les ministres ont l'obligation d'avoir cette fiducie sans droit de regard, c'est tout simplement ça.»

- La Presse Canadienne