D'entrée de jeu samedi, la Conférence nationale des présidents du Parti québécois a tourné à l'affrontement. Jean-François Lisée et Pierre Karl Péladeau, deux adversaires probables dans la course à la succession de Pauline Marois, ont exprimé des positions diamétralement opposées.

Pour M. Lisée, il ne serait pas acceptable que le chef du Parti québécois soit en même temps propriétaire d'un groupe de presse important au Québec. Pour M. Péladeau, il n'est pas question de vendre ses actions de Québecor, la compagnie  léguée par son père.

«Avec moi il n'y a pas de langue de bois. Quand on me demande s'il est normal que le chef du Parti québécois contrôle le principal média au Québec, ma réponse est non ! Quelqu'un doit avoir le cran de le regarder dans les yeux et dire Pierre Karl, ça ne marche pas, ça n'a pas de bon sens. Tu vas mettre le parti dans une position de vulnérabilité incroyable devant nos adversaires !» a soutenu M. Lisée. M. Péladeau «ne semble pas comprendre qu'il y a un problème... c'est à nous de lui expliquer. Si des gens ne voient pas la bombe à retardement que c'est pour le parti, je serai le seul à le dire.. et à le répéter» a lancé le député péquiste à son arrivée à la Conférence nationale des présidents de circonscriptions qui  doit aujourd'hui décider des règles de la course au leadership.

Ses partisans disent que Pierre Karl Péladeau respecterait les règles d'éthique pour les députés en mettant ses actions dans une fiducie sans droit de regard s'il devient chef.  «Respecter la loi ce n'est pas suffisant, réplique M. Lisée. Yves Bolduc respecte la loi (les primes qu'il a reçues sont légales)». Quand on lui rappelle que des péquistes l'accusent de verser dans «les attaques personnelles», Jean-François Lisée argue : «M. Péladeau possède personnellement Québecor Media !»

«Jean François a droit à son opinion, a répondu Pierre Karl Péladeau. J'ai fait connaître la mienne, elle est précise et limpide et a le bénéfice de la continuité. Je n'ai pas l'intention de vendre les actions que mon père m'a léguées. Un grand bâtisseur a été en mesure de réaliser que le Québec prend sa place au niveau économique. Cela irait à l'encontre de mes convictions.» M. Péladeau banalise la «bombe à retardement» décrite par Lisée. «Il a toujours eu des propos illustrés... c'est sa carrière de journaliste qui l'amène à ça... Ce qui est important pour moi est que nous travaillons pour l'objectif de la souveraineté, on devrait se rassembler devant cet objectif que nous partageons au Parti québécois»  a conclu Pierre Karl Péladeau.

Pour Pascal Bérubé, Jean-François Lisée a eu une sortie étonnante. «Je me demande pourquoi à ce moment-ci une déclaration contre un autre potentiel candidat. M. Péladeau a jusqu'ici montré qu'il était pleinement un militant, conscient de ses responsabilités. Je suis déçu, clairement les militants n'apprécient pas ces réflexions de M. Lisée qui auraient pu se faire en privé»  a déclaré le député de Matane, un supporter annoncé de M. Péladeau.

Marc Laviolette, président de Beauharnois et ténor du SPQ libre, dit conserver ses réticences à l'endroit de M. Péladeau. «Il sera testé durant la campagne» dira-t-il  dit-il, rassuré par les positions économiques du propriétaire de Québecor. Sur ses actions, M. Laviolette observe que Pierre Karl Péladeau respecte le code d'éthique de l'Assemblée nationale. «Le Parti québécois n'a pas à être plus catholique que le pape» ajoutant qu'il n'éprouvait aucun malaise à voir l'aspirant à la direction du PQ être actionnaire de contrôle du groupe de presse. M. Laviolette soumet que la sortie de Lisée est «plutôt un discours diviseur». «Je doute de ses des capacités de M. Péladeau à rassembler la société civile et les tendances dans le parti» souligne-ajoute-t-il. Dans Beauharnois, le député et l'exécutif sont plus sympathiques à Bernard Drainville, même si M. Laviolette réprouve l'idée de reporter à huit ans la tenue d'un référendum. Pierre Dubuc, autre ténor de la gauche du PQ, appuiera Martine Ouellet. Le sondage qui plaçait Pierre Karl Péladeau très loin en tête doit être pris avec un grain de sel, dit-il. Le même sondage «dit que 22 % de Québec solidaire est pour PKP, on peut s'interroger sur l'échantillonnage», poursuit Dubuc. Pierre Céré, ex-candidat péquiste est d'accord avec M. Lisée, «M. Péladeau doit choisir, être chef du parti ou patron de presse».

Raymond Archambault, président du parti, estime qu'il vaudrait mieux attendre le début de la course avant d'engager de tels débats. Le chef du PQ peut-il être propriétaire d'un groupe de presse ? «C'est une question très difficile, délicate. Si M. Péladeau décidait de poser sa candidature, les membres devraient se poser cette question. Jusqu'ici il se conforme aux règles de l'Assemblée nationale», avance-t-il. Bernard Drainville, de son côté, est resté loin de cette bagarre. «Je veux rester positif, je ne veux pas personnaliser nos échanges. On doit avoir un bon débat d'idées, évitons de trop se maganner, parce qu'il va falloir travailler ensemble après la course». Même prudence chez Alexandre Cloutier. «Il faut être décomplexé par rapport à l'argent, M. Péladeau applique les règles, ce n'est pas un enjeu, il n'y a pas de questions éthiques qui se posent à l'heure actuelle». Martine Ouellet n'a pas voulu se prononcer sur cette question. «Le débat doit être sur les idées, sur le développement économique, l'importance de l'indépendance du Québec, l'austérité, mais aussi la solidarité». 

Nicolas Marceau, qui réfléchit toujours à sa candidature, est aussi resté circonspect. Selon lui les militants jugeront des décisions de M. Péladeau à l'égard de ses actions.«Tous doivent être responsable au plan d'éthique, je lui laisse le soin de décider s'il l'est» a déclaré l'ex-ministre des Finances.