«Il n'y a pas de fierté à être sur l'aide sociale. Il n'y a personne qui bénéficie de l'aide sociale et qui se dit : "Tant mieux, je me ferai vivre par la société." C'est un parcours difficile qui mène les gens là. Dans le fond, c'est facile de couper dans ce programme, car ces personnes ont mauvaise presse.»

Julie Desharnais est travailleuse sociale et directrice des centres de pédiatrie sociale de la Fondation du Dr Julien. Comme beaucoup d'intervenants qui viennent en aide aux personnes vivant dans la pauvreté, elle est très inquiète face au scénario que le gouvernement Couillard a envisagé, qui étudie l'hypothèse de couper dans les programmes d'aide sociale et d'emploi pour économiser 211 millions.

«Vivre de l'aide sociale, c'est être en constante insécurité. On parle ici d'insécurité alimentaire ou d'insécurité en matière de logement. On vit au jour le jour. Être bénéficiaire de l'aide sociale à Montréal, c'est tout simplement tenter de survivre», résume-t-elle.

Selon ce que rapportait La Presse hier, les libéraux renonceraient à modifier le programme d'assurance parentale et augmenter en même temps les tarifs en garderie, «une bouchée politiquement trop grosse», résumait-on. Or, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale pourrait notamment participer à l'atteinte du déficit zéro en partant à la chasse aux bénéficiaires d'aide sociale qui prennent des vacances plutôt que de chercher activement un nouvel emploi.

«Il est certain qu'il faudra que tu sois davantage au Québec en train de te chercher une job plutôt qu'en vacances dans le Sud», expliquait-on à La Presse, établissant à 2 millions par année les économies potentielles si on portait une attention particulière à cette problématique.

Cette déclaration a fait bondir les acteurs du milieu communautaire. Amélie Châteauneuf, juriste et porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, rappelle que cette situation est loin de traduire la réalité.

«Les personnes qui bénéficient de l'aide sociale vivent dans une situation de pauvreté extrême. Les viser par des compressions, c'est tout simplement déplorable. Plutôt que de diminuer les ressources mises à leur disposition, il faut leur offrir de la formation qualifiante, afin de les aider à revenir sur le marché du travail», propose-t-elle, se disant aussi «extrêmement choquée de la façon dont on dépeint ces personnes».

Cette indignation est aussi partagée par une partie de la classe politique à Québec. Piquée au vif, la co-porte-parole de Québec solidaire et députée de la circonscription de Gouin, Françoise David, estime que les libéraux tentent de faire «des économies de bouts de chandelle» qui portent atteinte à la dignité des personnes.

«Le gouvernement libéral encourage les pires préjugés. Comme si la majorité des bénéficiaires de l'aide sociale avaient les moyens et la capacité de passer leur hiver en voyage dans le Sud!», dénonce-t-elle vigoureusement.

Carrefours Jeunesse-Emploi

Le gouvernement Couillard songe aussi à revoir de fonds en comble le mandat des 110 Carrefours Jeunesse-Emploi qui, disait-on, ne font pas une place de choix aux jeunes qui viennent de familles bénéficiant de l'aide sociale.

«Cette prétention est complètement fausse. Nous aidons tous les jeunes sans aucune distinction de leur statut économique. Nous sommes ouverts à participer à l'effort pour atteindre le déficit zéro, mais qu'on vienne d'abord nous en parler pour que l'on puisse proposer des solutions», réagit Alexandre Soulières, directeur général du Réseau des Carrefours Jeunesse-Emploi du Québec.

Ce dernier est aussi surpris que certains s'interrogent sur leur reddition de comptes alors que ces organismes fournissent leurs états financiers quatre fois par année au ministère de l'Emploi et sont suivis par des firmes comptables.

«Nous avons aussi en main des études qui démontrent l'impact de nos activités sur le secteur économique. Pour Québec, les Carrefours Jeunesse-Emploi sont payants», résume M. Soulières.

Questionné hier en point de presse, le premier ministre Philippe Couillard a répété qu'aucune décision définitive n'avait toujours été prise et que son gouvernement «ne commente pas les rumeurs».

 - Avec Martin Croteau