Le Parti québécois exige que le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, rembourse un incitatif de 215 000 $ qu'il a reçu pour prendre en charge des patients sans médecins de famille qui sont retournés sur une liste d'attente depuis que les libéraux ont repris le pouvoir.

La députée Agnès Maltais a estimé que M. Bolduc, qui est médecin, aurait dû s'engager plus longtemps que les 19 mois au cours desquels il été responsable d'un groupe de 1500 patients pour lesquels il a reçu un avantage, alors qu'il était député dans l'opposition.

«C'était un incitatif pour prendre des patients sur une liste d'attente, a-t-elle dit en Chambre, jeudi. Les gens sont encore sur la liste d'attente, l'argent est encore dans les poches du ministre. Est-ce qu'il va rembourser les contribuables?»

Après la défaite de septembre 2012 qui a porté le Parti québécois au pouvoir, M. Bolduc a repris du service comme médecin dans une clinique privée de Québec, où il a bénéficié d'un incitatif totalisant 215 000 $, entre 100 $ et 200 $ par personne, pour prendre en charge des patients qui étaient sur une liste d'attente parce qu'ils n'avaient pas de médecin de famille, a révélé Le Soleil jeudi.

La Coalition avenir Québec a plutôt exigé que M. Bolduc respecte l'engagement par lequel il a accepté de prendre en charge ces patients sans médecin de famille, en échange de l'incitatif, qui a depuis été plafonné à 150 patients par le précédent gouvernement péquiste.

«Il s'est engagé à prendre en charge 1500 patients, alors il a l'obligation de respecter sa parole puis de respecter ses engagements, a dit le député Éric Caire. (...) S'il a une job qui est de trop, à mon avis, ce n'est pas celle de médecin.»

Avant de se rendre au conseil des ministres, jeudi, M. Bolduc a affirmé qu'il ne pouvait pas présumer que les libéraux seraient portés au pouvoir aussi rapidement, après l'échec des péquistes, qui étaient minoritaires au gouvernement, à la dernière élection.

Le ministre de l'Éducation, qui était titulaire de la Santé au moment de la mise en place de l'incitatif dont il a bénéficié par la suite, a expliqué qu'il lui était impossible de concilier ses tâches de médecin de famille à celles qui lui ont été confiées par le premier ministre Philippe Couillard.

«Malheureusement je ne peux pas à continuer la pratique médicale, a-t-il dit. C'est un changement de carrière qui doit se faire.»

L'actuel ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a pris la défense de son collègue en affirmant qu'il a respecté les règles qui exigent un remboursement de l'incitatif seulement dans le cas où un médecin met un terme à la prise en charge de patients orphelins avant une période minimale de 12 mois.

«Lorsqu'on agit selon les règles, ça s'appelle respecter les lois, et c'est, à ma connaissance, moral», a-t-il dit en Chambre.

M. Barrette a blâmé les péquistes, minoritaires, pour le déclenchement d'une élection après 18 mois au pouvoir.

Dans un point de presse qui a précédé la période des questions, M. Barrette a affirmé que les patients et contribuables en ont eu pour leur argent malgré la décision de M. Bolduc.

«De façon prospective, c'est correct, a-t-il dit. On demande aux médecins, lui étant médecin, de prendre des patients en charge. Il le fait dans une période où il avait prospectivement, d'une façon raisonnable, et raisonnée, une échéance de quatre ans pour pouvoir continuer à travailler.»

M. Barrette a cependant reconnu que ce «cas particulier» soulève des questions qui seront examinées pour évaluer la nécessité de prolonger l'exigence de prise en charge au-delà des 12 mois prévus actuellement.

«Ça fait partie des éléments qui devront être revus, a-t-il dit aux journalistes. Cette mécanique a été prévue pour augmenter l'accès. Elle a eu l'effet d'avoir plus de patients inscrits chez les médecins de famille. (...) Vous faites des commentaires à l'effet que l'effet à long terme n'est pas là. Il y a ce genre de choses-là auxquelles on va s'adresser, ça c'est certain.»

Dans un échange avec la presse parlementaire, M. Couillard a quant à lui estimé qu'une modification des conditions entourant l'incitatif versé à M. Bolduc pourrait avoir des effets pervers.

«Il faut être prudent avec ça, a-t-il dit. Parce que si on va sur cette voie-là, à ce moment-là on dirait: si un médecin pense prendre sa retraite au cours de l'année ou des deux années qui suivent, il faudrait peut-être qu'il arrête de voir des nouveaux patients, ça n'a pas de sens. Ou alors le docteur Bolduc, qui a fait ses activités médicales dans le secteur public, on devrait lui dire: la prochaine fois reste dans le secteur privé, désengage-toi de la Régie d'assurance maladie.»