Contrairement à ce que disait lundi la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, le juge Louis Dionne n'a pas ordonné au centre de détention de Québec d'abaisser la cote de sécurité des trois détenus qui se sont évadés par hélicoptère samedi soir.

C'est ce qu'on constate dans son jugement du 24 mars, qui était frappé d'une ordonnance de non-publication jusqu'ici. Il y a eu levée partielle de cette ordonnance jeudi.

Sa décision faisait suite à une requête « pour l'obtention de conditions de détention permettant la préparation d'une défense pleine et entière ». La requête avait été déposée par quatre détenus en attente de procès pour meurtre et trafic de stupéfiants. Il s'agit de Thierry Béland, Yves Denis, Denis Lefebvre et Serge Pomerleau. Ces trois derniers se sont évadés samedi soir et sont toujours en cavale.

Louis Dionne, de la Cour supérieure, « accueille la requête en partie ». Mais il ne touche pas à la cote de sécurité des trois détenus.

Quelques éléments seulement concernent les conditions de détention entre les murs de la prison d'Orsainville. Louis Dionne demande que « pendant les journées où le procès se déroule », les accusés « puissent avoir accès, ensemble, à des sorties de cour extérieure en soirée, selon les disponibilités du personnel carcéral et des cours extérieurs ». Soulignons que le procès ne se déroulait pas le jour de l'évasion.

Le juge ordonne que la direction du centre de détention « fasse le nécessaire pour que les requérants, alors qu'ils sont détenus à l'établissement, puissent communiquer avec leur avocat par téléphone, en toute confidentialité, à leur convenance, et ce, lorsque la sécurité n'est pas en jeu ».

Pour le reste, sa décision concerne le déroulement du procès et l'exercice d'une défense pleine et entière.

Louis Dionne demande que les accusés puissent être gardés ensemble au palais de justice pendant le procès « si leur comportement leur permet ». Il exige qu'un poste informatique sécurisé soit disponible dans les locaux de détention situés au palais de justice pour l'usage exclusif des accusés pendant toute la durée du procès. On doit « maximiser le nombre d'heures par semaine où les requérants pourront avoir accès au local où se trouve le poste informatique sécurisé, et ce, lorsque la sécurité n'est pas en jeu », écrit-il. Il ordonne la mise en place dans cette salle informatique d'un « système de communication entre les accusés et les agents des services correctionnels chargés de les garder ». Les accusés doivent avoir la possibilité d'échanger des documents sur support papier ou sur CD-ROM avec leurs avocats, ajoute-t-il.

Le juge demande également que les accusés « soient autorisés à emporter avec eux en cellule, aux fins de la préparation de leur défense, une partie raisonnable de la preuve contenue dans les sacs entreposés dans le local où se trouve le poste informatique sécurisé ».

Il ordonne qu'à l'audience, donc au palais de justice, les accusés « ne portent que des contraintes aux chevilles » et que leur soient remis « papier et crayons pour leur permettre de prendre des notes ». Toujours à l'audience, et pour toute la durée du procès, il demande que les accusés obtiennent « un repas chaud le midi ».

Lundi, Lise Thériault disait pourtant que la baisse de la cote de sécurité, donc l'assouplissement des conditions de détention des détenus, avait été ordonnée par le juge. « C'est le juge qui a fait les recommandations et, de manière générale, quand un juge dit « on va à droite », on va à droite. Les services correctionnels sont tenus d'exécuter ce que le juge a décidé », disait-elle. Elle ajoutait même que la décision du juge est « questionnable ». Depuis mardi, elle refuse de répondre aux questions sur la baisse de la cote de sécurité. Elle se réfugie derrière l'ordonnance de non-publication qui vise le jugement qu'elle commentait pourtant lundi.

La Presse et Le Soleil ont révélé plusieurs informations plus tôt cette semaine sur la baisse de la cote de sécurité. À leur arrivée au centre de détention de Québec, vers le 10 mars, Pomerleau, Lefebvre et Denis étaient considérés à «haut risque d'évasion». Ils ont reçu la plus haute cote de sécurité, soit S5, ce qui signifie qu'ils ne pouvaient pas quitter leur cellule sans être menottés aux mains et aux chevilles avec une chaîne de relais entre les deux et des blocs de sûreté.

Près de 15 jours plus tard, soit le 26 mars, un gestionnaire du Centre de détention responsable du secteur a signé un document dans lequel il abaissait la cote d'Yves Denis, la faisant passer de S5 à S3, ce qui l'a délivré des chaînes et des blocs de sûreté, mais pas des menottes. Cette note a été consultée par une source très au fait du dossier, qui signale que les deux autres membres du trio ont eu droit au même traitement que Denis. Les décisions sur les cotes de sécurité sont prises après l'évaluation du comportement des détenus.

Puis, le 1er avril, un autre gestionnaire du centre a décidé de diminuer une nouvelle fois la sécurité entourant Yves Denis. Cette fois, il n'était plus soumis à aucune contrainte puisqu'il n'avait plus de menottes. «Aucune note négative au dossier, donc la mesure S3 est suspendue étant donné que le risque d'évasion est moins élevé», était-il écrit en substance, selon nos sources. Ce gestionnaire, qui occupait son poste par intérim, a recommandé ensuite que le détenu soit placé dans un secteur régulier, c'est-à-dire qu'il puisse circuler librement.

C'est grâce à cette dernière décision, prise pour Yves Denis, mais appliquée à ses deux acolytes, que le trio a eu accès à la cour F-nord du Centre de détention de Québec, un espace qui est beaucoup moins sécurisé que ceux auxquels ont accès les détenus ayant la cote S5. Rappelons que c'est à cet endroit qu'un hélicoptère a cueilli les trois hommes accusés de meurtre et de trafic de stupéfiants, samedi.

Les autorités policières avaient pourtant en mars des informations selon lesquelles les trois détenus tenteraient de s'évader.

Une ordonnance de non-publication a également été levée en partie jeudi pour une autre décision rendue par Louis Dionne le 24 mars. Il accepte alors une requête de Serge Pomerleau et ordonne au centre de détention de Québec de lui permettre « d'avoir accès à un ordinateur portable équipé uniquement des logiciels nécessaires à l'étude de la preuve relative à son dossier, lequel sera à (son) usage exclusif ». Il demande que l'ordinateur soit à la disposition de l'accusé « dans sa cellule ou à l'audience, le cas échéant ».

Il exige à Serge Pomerleau de « payer pour l'acquisition de l'ordinateur portable, l'équipement et les logiciels nécessaires à la préparation de sa défense ». Il lui demande de voir, « à ses frais, à la désactivation de toutes fonctions de l'ordinateur portable permettant une communication avec autrui ». Enfin, il ordonne à l'accusé de soumettre son ordinateur au centre de détention pour que celui-ci vérifie que les fonctions en question ont bel et bien été désactivées.

Avec Daniel Renaud