Des impératifs budgétaires et éthiques mettent sérieusement en péril le programme de procréation assistée, a appris La Presse.

Selon nos informations, le gouvernement Couillard envisage de supprimer le budget alloué au programme, du moins sous sa forme actuelle. Le programme coûte quelque 70 millions par année en remboursement de traitements, en médicaments et en honoraires de médecin.

Or, dans sa « révision du programme » annoncée hier, le gouvernement prévoit d'économiser 70 millions par année pour ce poste budgétaire à partir de l'exercice débutant le 1er avril 2015, a appris La Presse de source sûre.

Il n'a pas été possible de savoir si le ministère de la Santé et le Conseil du trésor prévoient financer le programme avec une autre enveloppe ou d'une autre façon, par exemple avec un crédit d'impôt. Toutefois, le programme fait clairement partie des cibles d'économies du gouvernement Couillard.

Ces dernières semaines, le programme a fait couler beaucoup d'encre après que les médias eurent révélé que l'animateur homosexuel Joël Legendre attendait des jumelles d'une mère porteuse dont la fécondation a été payée par l'État.

Dans la foulée de cette controverse, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en avait profité pour rappeler sa préférence de longue date pour un programme qui s'adresserait aux couples dont l'infertilité est avérée. M. Barrette se montrait d'ailleurs très critique à l'endroit du programme à l'époque où il était président de la Fédération des médecins spécialistes, le décrivant alors comme un « bar ouvert ».

Dans un mémoire sur le sujet, en 2013, la Clinique de fertilité du CHUM disait justement constater « une apparente dérive des cas d'infertilité médicale vers une sorte d'infertilité sociale ».

Le mémoire rappelait que les couples infertiles étaient loin d'être les seuls patients de la clinique, qui voyait défiler des femmes célibataires, des femmes dont le conjoint est à l'étranger, des couples d'hommes gais, voire des femmes qui souhaitaient porter un enfant pour leur fille.

Restrictions difficiles

À La Presse, en mai, le Collège des médecins rappelait cependant que le resserrement de balises évoqué par le ministre de la Santé Gaétan Barrette était loin d'aller de soi.

D'une part, l'infertilité ne peut être ni attestée ni contestée, puisqu'elle est très souvent inexplicable, disait alors le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège. Il est donc difficile, voire impossible, de restreindre les remboursements du programme aux seuls couples infertiles.

D'autre part, l'exclusion des couples en fonction de leur orientation sexuelle ou de leur âge risque d'entraîner des poursuites pour discrimination en vertu de la Charte des droits et libertés. En somme, ces restrictions rendent problématique l'ébauche d'une version allégée du programme.

Ce matin, le commissaire à la santé et au bien-être rendra public son rapport sur la question. La semaine dernière, évoquant des échos de coulisse, La Presse rapportait que Gaétan Barrette avait été déçu du rapport, très « technique ».

Le programme de procréation assistée a été mis en place en 2010 à la suite d'une croisade de l'animatrice Julie Snyder, qui trouvait injuste que les traitements ne soient accessibles qu'aux plus fortunés. Une fécondation in vitro coûte au moins 9000 $.

En vertu du programme, la gratuité est assurée pour toutes les activités médicales liées à l'insémination artificielle ainsi qu'à trois cycles de fécondation in vitro. Cette gratuité s'applique peu importe l'âge des patients, qu'ils aient ou non déjà des enfants et, depuis ce printemps, qu'il s'agisse d'une mère porteuse ou pas.

L'un des buts avoués du programme est de diminuer de 25 % le nombre de grossesses multiples, « responsables de plusieurs naissances prématurées », peut-on lire sur le site du ministère de la Santé.

Le coût prohibitif des traitements de fertilité, du temps où ils n'étaient pas remboursés, ont longtemps incité patients et médecins à implanter plusieurs embryons à la fois.

Joint au téléphone, la porte-parole de Gaétan Barrette, Joanne Beauvais, soutient qu'elle n'est pas au fait des plans du ministère de la Santé et du Conseil du trésor. « Demain [aujourd'hui], on dépose le rapport du commissaire à l'Assemblée nationale et nos recommandations vont venir à l'automne », a-t-elle dit.