À la veille de la rentrée parlementaire, le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) a présenté hier des recommandations au ministre des Finances pour économiser 1 milliard de dollars dans le secteur de la santé sans toucher aux services aux patients. Une façon de s'inviter dans le débat et d'envoyer un message clair au gouvernement: les coupes dans les services ne passeront pas.

Dans son discours d'ouverture de la 41e législature, mercredi, le premier ministre Philippe Couillard doit annoncer les orientations de son gouvernement pour les quatre prochaines années. Il expliquera comment il compte s'y prendre pour rééquilibrer les finances de l'État.

Le gouvernement compte réaliser des compressions de 2,4 milliards de dollars pour l'exercice 2014-2015. Avec son budget de 30 milliards, c'est le ministère de la Santé qui devra fournir le gros des efforts: selon les données colligées par La Presse, des compressions de plus de 900 millions sont à prévoir dans ce secteur.

Le RPCU s'inquiète de ces coupes autant qu'il se désole de ne pas avoir été consulté. «Comme on n'a pas reçu d'appel, on s'est invité», a dit Pierre Blain, directeur général du RPCU.

Le regroupement a donc proposé au gouvernement six mesures qui permettront, croit-il, d'économiser 1 milliard de dollars sans compromettre les services aux usagers. «On espère que ces recommandations feront partie de son discours inaugural et qu'elles seront prises en considération», a ajouté M. Blain.

Certaines propositions, comme l'étalement de l'augmentation salariale des médecins ou la diminution du nombre de cadres dans le réseau de la santé, sont déjà dans les cartons du gouvernement. Il reste à savoir combien elles permettront d'économiser.

M. Blain appréhende particulièrement la création d'une commission permanente de révision des programmes, une promesse électorale de M. Couillard, lequel avait également promis de lancer un «dialogue social» avant de procéder à des coupes importantes.

«Que des gens du secteur privé viennent dire comment gérer le gouvernement... les soins que les gens doivent recevoir dans le système de santé, ça n'a rien à voir avec un Wal-Mart, a insisté M. Blain. Si on veut revoir des programmes désuets, pas de problème. Mais vous n'allez pas couper sans que nous soyons assis à la table.»

D'autres ministères touchés

Le réseau de la santé écopera d'une grande part des compressions, mais l'Éducation ne sera pas en reste. Le premier ministre Couillard devrait également confirmer les cibles de 380 millions d'économies pour le ministère de l'Éducation et de 110 millions pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Mais il ne sera pas seulement question de compressions, dans ce discours inaugural. Parmi les projets de loi à venir, il y a celui sur les soins en fin de vie, et un autre sur la création d'un poste d'inspecteur général à Montréal. Le premier ministre s'est aussi engagé à déposer en juin un projet de loi pour restructurer les régimes de retraite des employés municipaux.

Les recommandations du RPCU

270 millions : Reporter la moitié de l'augmentation salariale que les médecins doivent recevoir cette année, soit 270 des 540 millions prévus. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a commencé à négocier avec les médecins à ce sujet.

146 millions : Diminuer le nombre de consultants externes pour l'informatisation des dossiers médicaux. Le RPCU estime que cela permettrait d'économiser 10% des coûts du Dossier Santé Québec. «C'est un scandale, ça devait coûter 500 millions, c'est rendu à 1,46 milliard et ce ne sera pas prêt avant 2021!», déplore M. Blain.

174 millions : Réorganisation des fonctions administratives et d'encadrement. On parle notamment de diminuer le nombre de cadres, mais aussi les achats. «L'ensemble des établissements de santé reçoit 17 milliards. Si on réduit de 1%, ça donne 170 millions, c'est raisonnable», dit M. Blain.

5 millions : Resserrement des règles qui s'appliquent aux groupes de médecine familiale (GMF). Plusieurs ne respectent pas les ententes sur les services et les heures d'ouverture, dit M. Blain. En faisant payer les amendes, le RPCU est persuadé que le gouvernement peut aller chercher 5 millions au bas mot.

 292 millions : Le maintien à domicile des patients dont l'état de santé le permet. Une personne qui reçoit la visite d'une infirmière à la maison n'a pas besoin de se rendre aux urgences, explique M. Blain. En investissant dans les soins à domicile, le RPCU croit qu'on pourrait économiser 292 millions dans l'ensemble du réseau.

122 millions : L'instauration d'une tarification dégressive des médicaments génériques. «En renégociant le prix de 10 médicaments génériques, dit M. Blain, on pourrait faire des économies de 62%. On paye trop cher.»