Les 430 000 employés de l'État toucheront une augmentation de salaire «surprise» de 1% le 31 mars prochain, au dernier jour de leurs conventions collectives. C'est une facture de 375 millions de dollars qui compliquera encore un peu plus l'atteinte de l'équilibre budgétaire.

Les conventions collectives, qui viennent à échéance le 31 mars 2015, comprennent une clause peu connue: un «ajustement» salarial lié à l'inflation et versé uniquement à certaines conditions. Le gouvernement Charest et les syndicats avaient convenu de cette clause pour protéger le pouvoir d'achat des employés.

Selon l'entente intervenue en 2010, cette hausse est versée seulement si la variation cumulative de l'indice des prix à la consommation (IPC) pendant la durée des conventions collectives est supérieure aux augmentations salariales versées au cours de la même période. L'ajustement vise à combler l'écart entre les deux jusqu'à concurrence de 1%.

Or, l'IPC a augmenté de 8,6% depuis 2010 - aux Finances, on prévoit 1,6% pour cette année. Les salaires ont quant à eux grimpé de 6,5%. Comme il s'agit d'un écart de 2,1%, non seulement «l'ajustement» doit être versé, mais les employés auront droit au maximum prévu: 1%.

Cette hausse était jusqu'ici hypothétique, mais des sources syndicales ont confirmé les calculs de La Presse et sont convaincues du versement à venir. Au Conseil du trésor, on confirme que «les probabilités sont à l'effet que la clause trouverait application». On attend les données officielles de l'IPC pour cette année avant de déterminer «de manière exacte» le versement de l'ajustement salarial.

Impact sur le prochain budget

Comme le prévoient les conventions collectives, l'ajustement sera versé le 31 mars prochain. C'est donc dire que son impact financier se fera sentir à compter de 2015-2016, l'année où le premier ministre Philippe Couillard a pour «objectif» de retrouver l'équilibre budgétaire. Rappelons que le ministre des Finances, Carlos Leitao, a déjà laissé entendre que cet échéancier, une promesse électorale du Parti libéral, est compromis en raison de l'état des finances publiques. Québec doit trouver 3,7 milliards de dollars cette année (2014-2015) pour simplement respecter la cible de déficit prévu de 1,75 milliard.

Selon les leaders syndicaux, Philippe Couillard s'est engagé à ne pas rouvrir les conventions collectives lors d'une rencontre à ses bureaux, jeudi dernier. Il écarte donc l'idée de remettre en question la hausse salariale de 2% qui s'applique depuis le 1er avril. Mais le front commun syndical insiste: le premier ministre doit également respecter le versement des 1% supplémentaires, puisque cette bonification fait partie des présentes conventions collectives. «Philippe Couillard a dit qu'il respectera les contrats de travail, alors il doit respecter cette clause-là. Et je rappelle que les contrats ont été négociés par un gouvernement libéral», a indiqué une source syndicale.

L'«ajustement» salarial viendra sûrement influer sur les prochaines négociations, surtout pour 2015, la première année des futures conventions collectives. Car les syndiqués demanderont des augmentations de salaires qui s'appliqueront à compter du 1er avril et qui s'ajouteront donc à la hausse de 1% accordée la veille. Il est prévisible que Québec soit réfractaire aux demandes syndicales pour 2015 justement en raison de la bonification déjà consentie. Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse sur le sujet.

Pour les prochaines conventions collectives, le front commun syndical demande de combler l'écart de 8,3% de la rémunération globale qui, selon l'Institut de la statistique du Québec, sépare les employés de l'État et les autres salariés québécois (des entreprises de 200 employés et plus, du fédéral et des municipalités). La rémunération globale comprend les salaires et les avantages sociaux.

Le gouvernement Couillard n'a donné jusqu'ici aucun indice sur son offre éventuelle. Mais l'idée d'un gel de la masse salariale circule à Québec. C'est l'une des recommandations du rapport Godbout-Montmarquette, commandé par Philippe Couillard et dévoilé le 25 avril. La hausse de 1% des salaires au 31 mars prochain rend un tel gel plus difficile à court terme.

Certes, geler la masse salariale n'implique pas nécessairement de geler les salaires. Le gouvernement pourrait recourir à d'autres options pour atteindre l'objectif, comme l'ont signalé MM. Godbout et Montmarquette: des mises à la retraite et l'abolition de postes.

La masse salariale des employés de l'État s'élève à 34,3 milliards de dollars. Elle a augmenté de 3,6% par année depuis 2010, dont 5,1% l'an dernier seulement.

Au terme de la première réunion de son Conseil des ministres, le 24 avril, Philippe Couillard a annoncé un gel d'embauche dans les secteurs public et parapublic.