Finies, les «astuces», les tergiversations. L'ère de l'ambiguïté est révolue. Le Parti québécois devra être résolument souverainiste, désormais, sans quoi il risque de disparaître, estiment de nombreux présidents d'associations du PQ joints cette semaine.

Samedi après-midi, à Laval, les présidents d'association du PQ se réuniront avec la direction nationale pour faire le bilan de la dernière campagne électorale. Plusieurs grincent des dents en évoquant la candidature-surprise de Pierre Karl Péladeau, qui a été «mal encadrée», résume-t-on. Quant à la stratégie de Pauline Marois, préconisant un «livre blanc» sur l'avenir constitutionnel du Québec afin d'éviter de parler de souveraineté, elle ne trouve guère d'adeptes.

Dans Abitibi-Ouest, Gabriel Massicotte se dit peu pressé de voir son parti se lancer dans une course à la direction. À huis clos, les présidents d'association auront droit à des explications «sur des décisions prises durant la campagne». Les militants de la circonscription ont planché sur des propositions, résume-t-il. «On n'avait pas préparé cela sur un coin de table. Est-ce que la campagne a reflété ce qui était préparé? On a eu de la difficulté avec notre plan de match.» Il avoue être stupéfait de constater qu'une candidate de la CAQ, parachutée, a tout de même récolté 3000 voix.

Dans Bellechasse, le président Raymond Boutin ne comprend pas la déconfiture de sa candidate, l'ex-ministre Linda Goupil. Les causes? «L'entrée en scène de PKP a mis le cap bien plus sur l'indépendance que sur le gouvernement. On pensait que son arrivée était une bonne chose, mais cela nous a fait glisser. On s'est laissé emporter et ç'a été difficile de remonter la pente.» Avant qu'il ne saute dans la course, «on avait une combinaison gagnante. On dit qu'il ne faut pas changer une combinaison gagnante, mais c'est ce qu'on a fait [avec PKP], selon moi».

«La population ne sent pas l'urgence d'agir pour la souveraineté. On ne sent pas de menace. Et quand on arrive avec nos idées, les gens se demandent si on ne vient pas d'une autre planète», constate M. Boutin. «Il faudrait prendre une décision: est-ce qu'on propose l'indépendance ou un bon gouvernement? Poursuivre deux objectifs, c'est bien difficile. À mon avis, il faudra mettre le cap sur l'indépendance bien plus que sur le bon gouvernement.» Certains diront que le PQ est dès lors condamné à ne jamais prendre le pouvoir. «Je le sais bien, c'est notre grand dilemme!»

Certains présidents d'association n'en sont plus là. «Mon post-mortem, je l'ai fait il y a deux ans. Je suis président d'association d'Option nationale», laisse tomber Miguel Tremblay, ex-président de Laurier-Dorion. «Je n'ai même plus ma carte du PQ. Je milite pour les Premières Nations, désormais», dira Alexis Wawanoloath, ancien président d'Abitibi-Est, député pendant quelques mois.

Le syndicaliste Marc Laviolette, président de l'association de Beauharnois, résume: «Les libéraux ont été habiles et ont fait du judo avec la candidature de PKP. Ils ont convaincu la population qu'un référendum était imminent.» Il estime quant à lui que le PQ n'est pas placé devant deux options. Il doit se faire résolument souverainiste. La descente du PQ s'était amorcée dès le début, croit-il. «À la fin, on était dans les baisses d'impôts, c'était n'importe quoi.» À ses yeux, «il est inévitable» que le directeur du PQ, Sylvain Tanguay quitte ses fonctions.

Dans la plupart des circonscriptions, les présidents observent que les militants ne sont pas prêts à discuter d'une course au leadership. Laviolette, de son côté, est formel: PKP ne peut devenir chef tant il est détesté chez les syndiqués. «Le chef dont on a besoin doit être capable de réunir la gauche et la droite. PKP est le pire employeur du Québec», résume Laviolette, qui constate que Bernard Drainville a mené sans fléchir un dossier délicat comme la Charte de la laïcité.

«Il y a du monde qui pour se débarrasser de Pauline, ont voté CAQ. C'est triste pour Mme Marois, mais on a vu ça.»

«La Marois»

Un constat partagé par Roxane Bourget, présidente de Chomedey. «Mme Marois n'était pas la plus aimée par le peuple. On se faisait dire «la Marois!». C'était pire en 2012, mais beaucoup de choses ne passaient pas à cause d'elle.»

«Ce qui revient le plus chez les militants, c'est qu'on ne veut plus d'ambiguïtés autour de notre projet d'indépendance, poursuit la présidente de Chomedey. C'est la raison d'être du Parti québécois. Avec le temps, on a voulu gouverner, mais ce qu'on veut mettre de l'avant, c'est notre option. On est conscients qu'on ne sera peut-être pas réélus, mais si on laisse tomber ça, on devient un parti comme les autres», a dit Mme Bourget, «sidérée» de voir la défaveur du PQ chez les jeunes.

Pour Michel Sénécal, dans Châteauguay, «notre parti est déterminé par le but qu'on poursuit. Ce n'est pas une question. Le PQ existe pour une seule raison, l'article 1 [sur la souveraineté]».

Quelques présidents d'association avouent leur inquiétude à la lecture des sondages: le dernier sondage Léger avant les élections montrait à la surprise générale que 37% des jeunes de 18 à 24 ans soutenaient le Parti libéral.

Dans Bonaventure, Robert Lapointe constate que «c'est M. Couillard qui est parti sur l'option souverainiste. Ce n'était pas notre ligne. On devait parler du livre blanc et de notre bilan des 18 mois». «Pour moi, on doit parler directement d'indépendance, c'est notre ligne de travail. On n'a pas à se cacher, mais comme les gens ont peur de perdre leur pension de vieillesse, il faut s'interroger sur la façon de faire avancer l'idée.»

Dans Bourassa-Sauvé, Pierre Lacombe observe: «Le PQ doit garder le cap. Je suis un organisateur, pas un idéologue. Le parti doit rester branché sur son option fondamentale. C'est ce qui m'anime depuis 40 ans.»

Il estime que «la campagne a été plus ou moins bien menée au niveau national. L'objectif était d'obtenir une majorité pour le PQ, la campagne a dévié sur la souveraineté et le PQ n'a pas été capable de s'ajuster». Il se dit d'avis que «l'effet PKP a pu jouer. C'est le point d'inflexion de la campagne. Je ne veux pas le blâmer, moi aussi, j'étais enthousiaste au départ. Au milieu de la campagne après cet événement, je me disais que ce serait déjà ça de pris si on s'en tirait minoritaires».