C'est la distribution des prix de consolation au Parti québécois et à la Coalition avenir Québec. Les postes de leader parlementaire et de whip n'ont jamais soulevé des passions dans l'opinion publique. Mais les choix faits par les deux partis sont éloquents ; on y donne une impulsion pour les prochains mois.

Il faut savoir qu'au Parlement, ces responsabilités sont associées à des masses salariales importantes qui permettent d'engager une équipe de quatre ou cinq collaborateurs, un cabinet qui décuple l'influence du patron auprès des députés.

Au Parti québécois, on a déjà fait le plein de changements ; Pauline Marois a tiré sa révérence cette semaine, bien qu'elle reste en poste jusqu'au 7 juin, à la prochaine instance du Parti québécois. Autrement, le nouveau chef, Stéphane Bédard, a opté pour la continuité ; Agnès Maltais, seule élue péquiste à Québec, deviendra leader parlementaire - elle avait déjà été leader adjointe pendant plusieurs années. Continuité encore, Simon Lajoie, qui était chef de cabinet de Bédard comme leader, restera avec Mme Maltais. Stéphane Bergeron, qui a déjà été leader pour le Bloc québécois aux Communes, sera leader adjoint.

Le choix de Mme Maltais n'est pas neutre. Ou plutôt, justement, il l'est. Celle-ci n'a aucune prétention au leadership du parti. Elle est si neutre que, derrière les portes closes, Jean-François Lisée a soutenu au caucus qu'il souhaiterait que la députée de Taschereau devienne chef plutôt que Stéphane Bédard, davantage associé à Pierre Karl Péladeau.

Incidemment, M. Bédard a été le seul élu péquiste, hier, à souscrire à l'idée du patron de presse de mettre le fleurdelisé en berne le 17 avril pour souligner le rapatriement unilatéral de la Constitution. «Cela rappelle aux Québécois quelque chose d'important. Il y a un contrat qui s'applique à nous, que nous n'avons tout simplement pas signé. On oublie parfois et on devrait s'en souvenir», a observé le chef péquiste. Les autres députés jugeaient le geste inutile ou, prudemment, soutenaient ne pas avoir pris connaissance de la lettre publique de leur nouveau collègue de Saint-Jérôme, qui se trouve actuellement en Europe.

Dans la continuité toujours, les péquistes ont maintenu en poste le président du caucus, Sylvain Pagé, et le whip Marjolain Dufour. L'un est élu dans les Laurentides, l'autre sur la Côte-Nord ; on préserve une visibilité régionale.

Comme chef de cabinet du nouveau chef, encore là, on n'a pas cherché à innover. France Amyot sera chef d'orchestre. Inconnue du grand public, elle a fait depuis longtemps sa marque dans les officines péquistes. D'abord, c'est la nièce de René Lévesque, ce qui ne nuit pas. Chef de cabinet du ministre Gilles Loiselle chez les conservateurs de Brian Mulroney, elle est revenue à Québec au cabinet d'Agnès Maltais sous Lucien Bouchard. Après quelques postes dans l'opposition, on l'a retrouvée chef de cabinet de Réjean Hébert quand le PQ a repris le pouvoir, en septembre 2012.

DES TURBULENCES À LA CAQ

De son côté, François Legault est à l'autre bout du spectre, et n'a que faire de la «continuité». Ses choix pour les postes d'officier surprennent même ses députés.

«Malheur aux vaincus» : féru d'histoire, Gérard Deltell aura compris rapidement le message. La CAQ est passée de cinq à deux circonscriptions à Québec. Le populaire député de Chauveau perd son rôle de leader parlementaire et le 25 % de supplément de salaire qui y est attaché, lui qui a pourtant livré l'ADQ aux dirigeants de la CAQ, en dépit des inquiétudes de bien des supporters de la première heure.

Et il ne le digère pas du tout, indique-t-on en coulisses. Québec était depuis le début le bastion de l'ADQ, puis de la CAQ. Cela a changé le 7 avril. Le parti de François Legault a fait des gains dans la couronne de Montréal et en Mauricie.

Déjà proche de François Legault avant la formation de la CAQ, François Bonnardel deviendra le leader parlementaire. Il a la plus forte majorité de son parti, 10 800 voix, près de 1000 de plus que Deltell. Donald Martel, nouveau député caquiste de Nicolet, deviendra whip. Un militant actif du PQ, chuchotent déjà les caquistes bien déçus. Déjà la survivante d'Arthabaska, Sylvie Roy, a eu sa part de frustrations ; elle a lancé le débat autour de l'intégrité dès le printemps 2009, mais François Legault l'a reléguée en touche dès que Jacques Duchesneau s'est pointé. En campagne électorale, le chef de la CAQ a péniblement tenté de redonner de la crédibilité à Mme Roy sur cette question névralgique.

Le chef caquiste parle publiquement de «la gang de l'ADQ» dans une entrevue au Journal de Québec, trois jours avant les élections. Pire encore, il décrit les anciens adéquistes Deltell, Caire et Roy comme sa «deuxième ligne». Son jeu de puissance, sa «première ligne», est bien sûr formé de députés arrivés avec la CAQ - aucun d'eux n'est de la capitale. À partir de là, le message était clair. L'euphorie du 7 avril passera vite à la CAQ si François Legault ne fait pas un effort pour réconcilier tout le monde.